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mieux aimé retirer toute candidature et s’abstenir que de s’exposer, par la diversion qu’ils auraient pu opérer, à faire triompher l’opinion exprimée par M. de Gaillard sur la question romaine. Ainsi l’opposition de gauche d’Avignon a préféré le succès d’un candidat du gouvernement au succès d’un candidat qui, tout en professant sur les questions intérieures des opinions loyalement libérales, soutenait dans la question romaine l’intérêt clérical. Ce fait est très intéressant ; il confirme les appréciations que nous avons émises depuis que certaines divisions se sont produites parmi les libéraux à propos des affaires de Rome et d’Italie. Nous avons toujours pensé que dans les circonstances actuelles, avec la place que les affaires d’Italie et de Rome occupent dans la politique pratique, ces questions ne pouvaient, dans l’action politique, être pour les libéraux des questions ouvertes. Le sentiment libéral et populaire devait se prononcer et s’est en effet prononcé dans le sens de la révolution italienne. Sans doute, si cette grande diversion de la politique étrangère n’existait point, si nous n’avions à nous occuper que de la politique intérieure, toutes les voix libérales devraient aux élections se prononcer en faveur des candidats qui demanderaient le progrès des libertés publiques : la question libérale intérieure deviendrait un terrain de conciliation entre les partis libéraux, dont la constitution au surplus nous commande d’oublier les diversités d’origine et d’antécédens ; mais il était chimérique, et l’échec de M. de Gaillard le prouve, de rêver cette conciliation tant que la question italienne n’aura point été résolue conformément aux principes de la révolution française. Voilà l’enseignement que peuvent tirer du fait qui nous occupe les esprits élevés, qui ont raison sans doute de placer l’intérêt dominant de la liberté bien au-dessus des anciennes dissidences d’opinion, auxquelles tant d’événemens ont enlevé leurs prétextes accidentels ; ces esprits distingués doivent s’apercevoir que la conciliation souhaitée par eux n’est pas possible devant une dissidence actuelle aussi grave que celle qui existe sur la question romaine. La même leçon s’adresse aux catholiques libéraux ; malgré la sincérité de leur libéralisme, ils ne vaincront pas les défiances invétérées du pays tant qu’ils combattront la solution de la question romaine que nous avons exposée ailleurs, et qui peut seule concilier les intérêts de la liberté politique et ceux de la liberté religieuse.

Parmi les glanes politiques de cette saison, il ne faut jamais omettre le rustique discours que M. Dupin adresse chaque année, dans le comice de son département, aux Morvandiots. On admire parfois, et non sans raison, la verdeur de ces vieux parlementaires anglais, Palmerston, Brougham, Lyndhurst, pour qui la politique et l’éloquence semblent avoir été une eau de Jouvence. À ces alertes et joviales vieillesses dont se réjouissent et s’enorgueillissent nos voisins, nous pouvons opposer chez nous la gauloiserie toujours en sève de M. Dupin. C’est toujours le même bon sens salé, la même prestesse à se démener sur le terre-à-terre de la réalité, la même ru-