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Les journaux officieux ont eu à se reprocher un autre crime, enfant de l’oisiveté. Nous disions il y a quinze jours, en parlant de la dernière circulaire de M. Ricasoli, qu’il y avait une rectification à faire à ce remarquable document diplomatique. M. Ricasoli accusait le gouvernement romain de favoriser le brigandage dans les provinces napolitaines, de prêter son concours aux conspirations qui s’organisaient à Rome. Cette assertion ne nous paraissait point exacte, car nous savions au contraire que le cardinal Antonelli portait à la connaissance des autorités militaires françaises toutes les informations de sa police sur les menées des perturbateurs du Napolitain, Les journaux officieux n’ont pas tardé à démentir en ce sens l’accusation portée par M. Ricasoli contre le gouvernement romain, accusation que ce gouvernement a repoussée de son côté en invoquant le témoignage du corps diplomatique. Par malheur, les journaux officieux avaient commencé par donner une approbation sans réserve au manifeste de M. Ricasoli, et ils ont présenté la rectification qu’on leur a demandée sur un passage de ce document avec une importance maladroite qui les mettait en contradiction apparente avec les sentimens qu’ils avaient d’abord exprimés. Aussitôt, dans la foule ignorante, chacun de se dire : « La presse du gouvernement change de langage à l’égard de l’Italie ; que se passe-t-il donc ? A coup sûr, il y a un nuage entre le cabinet des Tuileries et le cabinet de Turin. M. Ricasoli ne serait-il pas agréable à l’empereur ? L’impatience que montrent les Italiens à entrer à Rome ne contrarierait-elle pas notre politique ? Quoi ! il y a quelques jours à peine, toutes les sévérités de ceux de nos journaux que l’on croit inspirés étaient réservées à la cour de Rome ; ces journaux, avec le bon goût qui les distingue, se plaisaient à raconter comme une vaillante action qu’un général français avait donné deux soufflets moraux à un ministre du saint-père, qui est prêtre aujourd’hui, ce qui ajoutait à l’à-propos de la menace, mais (il est permis de ne pas l’oublier, quoiqu’il soit maintenant l’adversaire de nos idées) qui autrefois a servi la France en volontaire, qui a eu l’honneur d’être plusieurs fois porté par le maréchal Bugeaud à l’ordre du jour de l’armée, bonne fortune que pourrait lui envier tel général qui, malgré nos récentes guerres, a dû obtenir un avancement mérité sans avoir eu l’occasion de faire campagne. Ce sont ces mêmes journaux, se disait-on, à qui l’on doit la circulation de cette belle histoire qui maintenant prennent la cour de Rome sous leur protection ! Le revirement de notre politique est manifeste. À quel incident nouveau faut-il nous attendre ? »

Cette surprise, ces doutes, ces conjectures n’auront eu, nous le croyons, d’autre effet que de nourrir pendant quelques jours les organes de la presse libérale. Nous ne pensons pas que rien soit changé dans la politique du gouvernement français à l’égard de l’Italie. Nous admettons que ce gouvernement soit fort embarrassé par la nécessité de résoudre la question romaine, et que les difficultés qui dans cette question lui sont personnelles l’empê-