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séparées par l’angle le plus ouvert. Napoléon a tout vu, il a tout approuvé. Est-ce à lui maintenant de rejeter sur un autre la responsabilité de ce choix malheureux entre deux directions, l’une proche, l’autre éloignée ? Telles sont les explications que le maréchal Grouchy a répétées sous mille formes au sujet de ce premier faux mouvement qui a engendré tous les autres.

Il est une autre preuve que l’ordre de marcher sur une ligne intérieure n’a pas été donné[1] : c’est qu’un général aussi soumis que le maréchal Grouchy, qui, dans sa détresse, ne demandait qu’une instruction, une parole de son chef pour s’en couvrir, n’eût certes pas manqué de suivre la ligne intermédiaire, si cela lui eût été formellement commandé. Il ne s’éloignait qu’à regret, avec effroi, de Napoléon. Combien l’ordre de s’en tenir rapproché l’eût débarrassé d’un lourd fardeau !


IX. — RETRAITE DU DUC DE WELLINGTON SUR MONT-SAINT-JEAN.

On s’étonne que deux armées de 100,000 hommes, séparées seulement par une distance de deux lieues, puissent, après deux grandes batailles, ne rien savoir l’une de l’autre. Il est néanmoins incontestable que le duc de Wellington ignora toute la nuit le résultat de la bataille de Ligny. Le matin, ne recevant aucune nouvelle, il examinait l’horizon ; il vit au loin une vedette française sur la route par laquelle auraient dû arriver les Prussiens. Il envoie un détachement de hussards en reconnaissance, et il apprend ainsi que les Prussiens sont en pleine retraite sur Wavre et que Napoléon est resté immobile dans Ligny.

Cette nouvelle lui est confirmée par une seconde dépêche du maréchal Blücher (la première avait été interceptée). Aussitôt le duc de Wellington prévient le maréchal Blücher qu’il va se retirer sur Waterloo. Il s’y arrêtera, il y acceptera la bataille le lendemain 18, pourvu qu’il puisse compter sur le concours de deux des corps de l’armée prussienne. Cet engagement pris, le général anglais, avec toutes ses forces maintenant rassemblées, n’avait plus d’autre but, en continuant d’occuper les Quatre-Bras, que de gagner encore quelques heures ; par là il laisserait au général prussien cette journée entière et, s’il se pouvait, la matinée du lendemain pour achever son mouvement et venir le rejoindre en avant de la forêt de Soignes, où tous deux comptaient ressaisir l’occasion perdue à Ligny.

  1. Ces instructions prétendues sont même en contradiction avec les relations de Napoléon. Dans ses écrits de Sainte-Hélène, on voit qu’il continue d’approuver la marche sur Wavre, et qu’il était, lui aussi, préoccupé de la pensée que l’armée prussienne pouvait se reporter de Gembloux aux Quatre-Bras, sur les derrières de l’armée française (voyez Notes et Mélanges).