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chez moi seul et sans armes, et que pas un de vous ne touchera un cheveu de ma tête. » Ce qu’il avait promis, il le fit, et ce qu’il avait prédit arriva.

Du reste ce n’était jamais qu’au nom de la moralité compromise qu’il se mêlait directement des affaires politiques. Sa préoccupation constante, la réforme morale du peuple comme base de son perfectionnement religieux et social, le poussait à étudier de très près les autres causes de dépravation. Il n’aimait pas beaucoup les sociétés de tempérance avec leurs sermens d’abstinence absolue. Cependant, pour se mettre à l’abri de tout soupçon, il consentit à s’affilier à l’une de ces sociétés. Il croyait qu’il fallait détourner le peuple de l’abus et lui apprendre l’usage rationnel des boisson » fermentées, sans quoi la tâche serait toujours à reprendre. Il insistait particulièrement sur les mesures de police et d’administration qui pouvaient diminuer les excès de l’ivrognerie, et il réussit à en obtenir d’excellentes, ce qui était beaucoup, et à en maintenir l’application, ce qui était plus encore. Une grande part de son activité fut aussi consacrée à obtenir des particuliers et des villes des sacrifices considérables pour répandre les lumières de l’instruction dans les classes inférieures, et il est certainement un de ceux qui ont le plus contribué à réaliser le magnifique déploiement d’écoles de tout genre dont peut se glorifier à juste titre le nord de l’Union. L’éducation des jeunes filles le préoccupait beaucoup, et il fit une guerre acharnée aux préjugés qui interdisaient aux femmes l’étude des sciences. C’est de mères éclairées qu’il attendait une génération supérieure à la moyenne de son temps. Il se pourrait même qu’entraîné par son zèle pour cette cause excellente, il eût quelquefois dépassé le but fixé par la nature et l’organisation sociale. S’il eut raison de poursuivre la réforme de nombreux abus dans l’instruction donnée aux femmes eh Amérique et dans la législation qui fixait leur position civile, on peut douter qu’il fût dans le vrai quand il réclamait leur participation aux fonctions sociales réputées jusqu’à présent l’apanage de l’autre sexe. Il comprenait mieux assurément sa mission quand il dirigeait sa verve, tantôt indignée, tantôt caustique, contre la presse vénale, la chaire complaisante ou paresseuse, les sénateurs et les députés infidèles à leur conscience, les capitalistes « adorant le dieu dollar et le servant lui seul. » On lui reprochait quelquefois d’être un pasteur sans église régulière ; il aurait pu répondre que son église était l’Amérique entière, et qu’il en était le sermonneur « détesté, mais écouté. » C’est, comme l’a dit un éminent prédicateur, M. Colani, la vraie marque de la bonne prédication.

Mais c’est surtout dans sa lutte contre les défenseurs de l’esclavage que Parker se montre admirable. Pour bien faire comprendre