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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 septembre 1861.

Nous n’abordons point encore la saison politique : nous en sentons pourtant l’approche. Il court déjà comme un de ces « premiers frissons d’hiver » qu’aimait tant le poète de notre génération ; nous discernons déjà plus d’un de ces « rayons jaunes » goûtés avec une si fine mélancolie par un autre poète qui a eu la chance de faire succéder aux maladifs attendrissemens de la jeunesse les vigoureuses saillies d’une maturité gaillarde ; mais, indignes que nous sommes, la poésie n’est point notre lot. Nous voulons dire simplement que le temps des vacances est passé, que les affaires avec les soucis vont revenir. L’empereur, à ce qu’on assure, rentre aujourd’hui à Paris, et dans peu de jours recevra le roi de Prusse à Compiègne. La question romaine a l’air de s’engager : cela ne donne-t-il pas le frisson ? La Banque de France vient d’élever le taux de l’escompte, elle a l’air de nous annoncer que nous sommes en crise commerciale : n’est-ce point un rayon jaune ? Parcourons le monde : en Italie, en Hongrie, en Pologne, en Amérique, le nœud des questions se serre, les événemens vont prendre un tour plus décisif, La période de repos que nous avons dans ces derniers temps décrite et dégustée touche à sa fin ; il faut s’attendre à voir commencer bientôt la saison de l’action.

On est vraiment contrarié que notre illustre ami M. Michel Chevalier n’ait pas pu remplir ce rôle de Josué qu’il ambitionnait naguère et arrêter le soleil sur la belle situation qui se dessinait il y a quelques semaines, lorsqu’on voit la Banque de France inaugurer à l’improviste une ère de cherté pour le crédit et pour l’argent. Nous disions textuellement, il y a deux mois : « C’est dans la perspective des conséquences de la récolte et de la prochaine campagne industrielle qu’est la véritable question Intérieure du moment. » La récente mesure prise par la Banque et les suites qu’elle peut avoir doivent dès à présent prouver que nous ne nous trompions point.