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Quant à nous, nous regrettons profondément la résolution à laquelle le conseil des régens de la Banque a cru devoir s’arrêter. Nous hésiterons d’autant moins à exposer les motifs de la conviction qui, en cette circonstance, nous sépare du système suivi par le conseil de la Banque, que, si nos idées à ce sujet pénétraient dans l’opinion, elles pourraient du moins atténuer les effets de la mesure qui a été adoptée.

En matière de banque, on le sait, nous n’épousons aucune des théories chimériques qui sont quelquefois patronées chez nous par des hommes d’affaires et par des écrivains influens. Nous ne sommes pas de ceux qui prétendent qu’en échange du privilège dont elle est investie, la Banque de France est tenue de donner le crédit à des conditions de bon marché artificiel. Nous ne sommes pas de ceux qui font une chicane à la Banque parce que son capital est placé en rentes sur l’état, et qui se figurent puérilement que ce capital, demeurant en permanence réalisé en espèces, ajouterait à la sécurité de son encaisse métallique. Nous ne sommes pas de ceux qui déclament contre toute hausse de l’intérêt, lors même qu’elle serait la conséquence naturelle de l’état réel du marché monétaire et du marché des capitaux. Nous ne sommes pas de ceux qui préfèrent à toute élévation logique du taux de l’escompte l’expédient inepte et néfaste du cours forcé des billets. Aussi nous rangeons-nous d’ordinaire parmi les approbateurs et non parmi les critiques de la sage administration qui préside à la direction de la Banque de France. Nous ne demandons qu’une chose à la Banque de France, c’est d’user de cette fonction suprême qu’elle exerce de régler les conditions du crédit, d’indiquer le loyer du capital de roulement de l’industrie et du commerce, de fixer, comme on dit, le prix de l’argent avec la circonspection qu’une telle responsabilité impose, et en tenant compte exclusivement des circonstances commerciales et des lois économiques qui régissent sur le marché des capitaux, comme sur celui des marchandises, les rapports de l’offre et de la demande. Nous croyons donc être à l’abri de toute accusation de malveillance systématique, si nous nous permettons de trouver à redire au parti que la Banque de France vient de prendre.

Avant d’émettre nos objections, nous ferons remarquer combien serait grave une erreur commise par la Banque de France dans l’élévation intempestive du taux de l’escompte. Malgré les déclamations auxquelles elles donnent lieu, les questions de banque et de crédit sont très peu comprises en France. L’opinion financière et commerciale n’est donc guère en état de rectifier elle-même les conséquences d’un jugement erroné porté par la Banque sur une situation donnée. Si la Banque venait à se tromper sur les motifs d’une élévation du taux de l’escompte, si le péril auquel elle voudrait parer ainsi était imaginaire, elle n’en produirait pas moins par cette fausse mesure un péril réel et un mal positif. Quand le public du commerce et de l’industrie voit la Banque renchérir le crédit, lorsqu’il entend surtout présenter vaguement, comme l’explication de cette mesure, les conséquences