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l’esprit antique. Les pensionnaires de Rome qui ont relevé après Blouet le plan et les détails des temples de Sunium et d’Égine par exemple se sont bien plus approchés de la vérité que n’avait pu le faire leur prédécesseur. Telle est la loi du progrès, telle est la moralité des études persévérantes.

Athènes, non plus que Rome, ne lassera jamais l’admiration, sous quelque forme qu’elle se présente. Une des formes les plus accessibles aux gens du monde, parce qu’ils trouvent sous un volume restreint une grande quantité de faits et, à côté d’explications claires, des dessins qui les éclaircissent encore, c’est le genre de publication adopté par M. Breton. Il entreprend de décrire Athènes, comme Pausanias l’a décrite, en s’y promenant de quartier en quartier, en nous racontant ce qu’il voit et en dessinant tout ce qui lui semble digne d’intérêt. Les monumens les plus beaux remplissent une ou plusieurs planches ; les ruines moins importantes sont reproduites par des dessins insérés dans le texte, et les détails ou les fragmens, les petits objets tels que vases, médailles, terres cuites, inscriptions, sont le sujet de simples vignettes.

Quelle est la portée scientifique de ce livre de M. Breton, où il fait pour Athènes ce qu’il a fait jadis pour Pompéia dans un ouvrage dont les éditions se sont promptement succédé ? Il y a deux manières de servir la science, d’abord en la créant, ensuite en la répandant. S’attaquer à un sujet difficile ou inconnu, l’éclairer par des recherches patientes, par des rapprochemens historiques, par des fouilles, par des découvertes matérielles qui entraînent des conséquences théoriques, atteindre le premier la vérité et la démontrer, voilà l’archéologie militante, celle qui fait des conquêtes. Toutefois l’effort même, la concentration que demandent des études de ce genre, ne permettent que d’embrasser un sujet restreint. C’est pour cela qu’un lieu aussi riche en antiquités qu’Athènes a déjà été l’objet d’investigations si nombreuses et si diverses, sans que la matière ait été épuisée. Au contraire, ne s’attacher à aucun point particulier, mais les résumer tous, analyser ce qu’ont découvert les savans des divers pays et des divers âges, donner à leurs démonstrations érudites une forme plus rapide et moins technique, être à la fois un docte cicérone et un antiquaire de goût, faire honneur à ses devanciers en attribuant à chacun la part d’éloges qui lui revient, être l’écho désintéressé de leurs opinions, les comparer, les amender quelquefois par des réflexions personnelles, juger les hommes en même temps que les choses, en un mot répandre ce que d’autres ont découvert, tel est le rôle de l’archéologie critique, qui s’adresse à un plus grand nombre de lecteurs. M. Breton est un critique, et son livre est un résumé de tout ce qui a été écrit sur Athènes, auquel s’ajoutent les observations de l’auteur.

L’Acropole tient la première moitié du volume : c’est un terrain sur lequel je me garderai bien de m’engager. On se rappelle le siège de cette ville où les assiégés rangèrent devant la brèche ouverte tous leurs prisonniers, bien sûrs que l’ennemi n’oserait tirer sur ses propres troupes. Ne suffit-il pas de nommer les Propylées, le Parthénon, le temple de Minerve Poliade, le temple de la Victoire sans ailes, la grotte de Pan, pour faire comprendre l’intérêt inépuisable d’un semblable sujet ? On prétend qu’une commission scientifique sera prochainement envoyée par le roi de Prusse,