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avec des fonds considérables, afin d’achever le déblaiement de l’Acropole. Il reste en effet des points inconnus, parce qu’ils sont couverts de terres amoncelées, notamment dans la partie orientale de la citadelle et dans l’angle septentrional des Propylées. Non-seulement le plateau supérieur, mais le pied du rocher, tous les talus qui en cachent la base, recèlent des richesses inexplorées, sculptures, fragmens rejetés par les barbares des différens âges, inscriptions. Si les travaux sont entrepris sur une grande échelle et conduits à leur fin, il est évident que, le sujet étant renouvelé, des publications plus complètes sur l’Acropole seront nécessaires. Ainsi un flot pousse le flot, ainsi une trace efface une autre trace. C’est dans la science surtout que les livres sont rapidement condamnés à l’oubli.

Après l’Acropole, M. Breton parcourt la ville et en décrit les monumens et les ruines : le temple de Thésée, qui a conservé sa frise malgré la redoutable. visite que lord Elgin a faite jadis à Athènes, et qui a été transformé en musée par les Grecs modernes ; le temple de Jupiter Olympien, dont les colonnes gigantesques, élevées par l’empereur Adrien, surpassent en beauté tout ce que les Romains ont élevé en Italie à la même époque ; la tour des Vents, en marbre, de forme octogonale, sur chacun des côtés de laquelle est sculptée l’image d’un des huit vents principaux ; le portique de l’Agora, qui nous apprend ce qu’était l’ordre dorique au siècle d’Auguste ; le portique des Éponymes, dont les cariatides terminées en serpent ont été retrouvées dans les caves des maisons voisines ; le théâtre de Bacchus, le portique d’Eumène, le monument de Thrasyllus, souvenir d’une victoire chorégique ; le monument de Lysicrate, type du corinthien grec ; le stade, le pnyx, l’aréopage. Comment énumérer tant de restes précieux, tant de souvenirs qui ajoutent à la beauté des ruines ? Ceux qui ont vécu plusieurs années au milieu de ces splendeurs chercheront en vain dans l’ouvrage de M. Breton quelque reflet de leur émotion et une chaleur éloquente. Décrire était le seul but que se proposait l’auteur ; il ne se départ pas de l’exactitude et de la sécheresse des descriptions. Ses dessins parlent pour lui ; mais c’est précisément parce qu’il s’est borné à une exégèse rigoureuse que je me crois fondé à lui adresser un reproche. Pourquoi, dans la seconde partie où il est question de la ville basse, M. Breton a-t-il si souvent consulté et cité M. Pittakis, que nous aimons tous, dont nous admirons le zèle à conserver les antiquités de sa patrie, mais qui n’a pas une autorité irrécusable, parce qu’il substitue ses propres rêves à la réalité et compose autant qu’il se souvient ? La science n’admet que les faits démontrés, et elle ne comble pas les lacunes par des fantaisies. M. Pittakis, dans sa passion pour sa chère Athènes, ne souffre aucune parcelle du sol sans nom et sans souvenir. Il faut se défier de ses indications trop poétiques, et je préfère de beaucoup pour mon compte les raisonnemens serrés et les études topographiques du colonel Leake, qu’il eût mieux valu citer plus fréquemment.


BEULE


V. DE MARS.