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MURILLO
ET L'ANDALOUSIE

L’histoire est féconde en contrastes : malgré les lois générales qui semblent régir les circonstances, l’homme leur échappe par la liberté, le génie par ses caprices. Velasquez et Murillo, contemporains, nés dans la même ville, pauvres tous deux et portés vers la peinture par un penchant précoce, tous deux entourés de professeurs médiocres et ne voulant plus d’autre maître que la nature, s’enfermant l’un et l’autre dans les musées de Madrid pour y copier les chefs-d’œuvre de l’Italie et de la Flandre, arrivent l’un et l’autre à un but si différent, que Velasquez se fait le chef de l’école de Madrid et représente toute la fierté castillane, tandis que Murillo retourne à Séville pour y jeter l’école de peinture dans une voie nouvelle et devenir l’image la plus populaire du charme andalou. Je me suis efforcé de dire combien l’originalité de Velasquez[1] a de puissance et d’affinité avec l’héroïsme espagnol ; il me reste à montrer comment le talent plus doux de Murillo exprime le caractère particulier de l’Andalousie.

Au temps de Richelieu et de Louis XIV, quand les esprits cultivés songeaient à l’Espagne, ils la voyaient à la façon du grand Corneille, chrétienne, altière, chevaleresque, et le Cid était le type idéal autour duquel se jouait leur fantaisie. De nos jours, l’Espagne apparaît aux imaginations telle que les poètes romantiques l’ont peinte, pleine de parfums, de plaisirs, de poésie galante ; c’est le pays

  1. Voyez, dans la Revue du 1er juillet, Velasquez au Musée de Madrid.