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de ce cheval avait été romanesque et ne peut guère être comparée qu’à celle de Cosmopolite, un cheval du baron de Nivières, qui vient de gagner le prix aux dernières courses de Newmarket. Il avait porté le harnais en France, où il fut acheté. Présenté à lord Godolphin, il passa un temps considérable dans les haras de ce seigneur anglais avant que son mérite fût reconnu. Ainsi que le Darley Arabian, il devint le père d’une dynastie de coursiers mémorables et mourut en 1753, à l’âge de vingt-neuf ans.

Il sera maintenant aisé de répondre à cette question : qu’entend-on par un cheval pur sang, thorough bred ? C’est un cheval dont on peut suivre la généalogie à travers plusieurs générations, et dont les ancêtres ont gagné leurs quartiers de noblesse sur le turf ou ont établi leur réputation dans les haras comme fondateurs d’une race de chevaux supérieurs. Ainsi que l’aristocratie anglaise, le cheval de course est d’origine étrangère. Il descend de sang arabe, barbe ou turc ; mais les soins, l’éducation, le croisement avec la race des chevaux anglais ou écossais et aussi le climat de la Grande-Bretagne ont beaucoup augmenté sa valeur primitive[1]. Il est devenu beaucoup plus grand que ses devanciers, plus long, plus léger, sans rien perdre pour cela de sa puissance musculaire. Toutes les fois qu’un cheval de course anglais a concouru avec les meilleurs chevaux arabes, il a invariablement remporté la victoire.

La pureté du sang étant la première qualité d’un race horse, on devine bien que les Anglais ont apporté une grande attention à la manière de peupler les haras. La plupart des grands seigneurs font reproduire la race des thorough bred dans leurs domaines. Il y a pourtant des établissemens spéciaux connus sous le nom de breeding establishments et dont la spéculation consiste à croiser les meilleurs chevaux de course. Ce n’est point à Newmarket qu’il faut chercher ces établissemens. Il en existe un que j’ai visité à Middle-Park, près d’Eltham. Des prairies ombragées ça et là de quelques grands arbres s’étendent sur une surface de 500 acres. Il y a quatre étalons pour cinquante jumens. Les étalons sont gardés chacun dans une écurie à part, tandis que les cavales errent en liberté dans des paddocks, enclos de verdure divisés par des haies ou des barrières, et sur lesquels s’élève une maison de bois pour la nuit. Ces jumens déliées se portent quelquefois entre elles des défis et se livrent sur le gazon de la vallée à des courses volontaires qui rappellent les beaux jours de leur émulation sur le turf. L’intérêt du chef de cet

  1. On a observé que des chevaux anglais transportés dans d’autres pays dégénéraient au bout de quelque temps. Voilà le fait : faut-il maintenant l’attribuer uniquement au climat ? La vérité est, je crois, que le cheval de course, étant un produit artificiel, a besoin pour se soutenir à la même hauteur de la main du peuple qui l’a créé.