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quelques approximations. Ainsi, sur les 25,000 âmes qui composent la population d’Aden, on compte environ 8,500 Arabes, mahométans ou juifs ; 10,500 Indiens, mabométans, hindous ou parsis, et 6,000 Africains, principalement des Soumalis. Je passe sous silence 2,000 Européens. Ces derniers sont surtout des soldats et des employés du gouvernement anglais avec leur famille ; il y a aussi parmi eux quelques commerçans.

Dans le nombre des Arabes figurent les Akhdams, dont le chiffre dépasse 1,500, et qui composent une race curieuse que je ne saurais passer sous silence, car on ne la rencontre que dans l’Yémen. Le nom d’akhdam en arabe (au singulier khadim) signifie esclave ou domestique, et dénote immédiatement l’infériorité de la classe à laquelle appartiennent les Akhdams. On ne sait pas à quelle époque ils se sont établis dans l’Yémen, et ils n’ont conservé eux-mêmes aucune tradition à ce sujet. Il est probable qu’il descendent des anciens maîtres du pays, les Éthiopiens, chassés par les Arabes et les Perses au vie siècle de notre ère. Ce qui tend à confirmer cette opinion, c’est que le type des Akhdams présente une grande analogie avec celui des Abyssiniens : ils ont les cheveux lisses, le nez aquilin, les lèvres minces et la peau noire. Les Akhdams occupent dans Aden un quartier séparé, et les Arabes leur abandonnent toutes les fonctions qu’ils considèrent comme dégradantes, telles que celles de barbiers, musiciens ambulans, forgerons, crieurs publics. Les Akhdams sont les parias d’Aden : il ne leur est pas permis de manger avec les Arabes de race pure, et ils ne peuvent se marier qu’entre eux.

Quant aux Arabes indigènes qui peuplent la ville, ils viennent surtout du dehors : ce sont des Jebbelis, habitans des contrées montagneuses de l’Yémen. Ces Auvergnats de l’Arabie descendent en nombre à Aden, et viennent y amasser quelque argent en s’occupant comme brocanteurs, petits boutiquiers, bateliers ou pêcheurs ; d’autres se louent comme journaliers.

Au nombre des Arabes, il faut aussi compter les Juifs d’Aden. Ils ont conservé plus que partout ailleurs leur type si caractéristique. D’après leur propre tradition, ils descendent des Israélites qui abandonnèrent la Palestine à l’époque de la conquête de Nabuchodonosor. Une partie des fugitifs vint se réfugier dans les heureuses et fertiles plaines de l’Yémen. Les Juifs ne tardèrent pas à dominer les Arabes ; mais à l’époque où Mahomet prêcha sa religion, que toute l’Arabie embrassa si vite, une terrible persécution fut dirigée contre les Juifs de l’Yémen, rebelles à la foi nouvelle. Leur nombre diminua rapidement, car les persécutions continuèrent longtemps, suivies de massacres terribles. Malgré tant d’élémens de destruction, les Juifs