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guère. Nous sommes, à ce qu’on nous assure, placés sous l’égide des principes de 1789, et à chaque pas nous nous heurtons à des déviations et à des exceptions, exceptions légales et régulières, nous dit-on, dans leur irrégularité même. Soit ; mais ces exceptions ne deviennent que plus graves en se généralisant. La presse périodique est placée sous un régime qu’une des plus hautes autorités de l’état a qualifié de discrétionnaire et d’arbitraire ; la liberté individuelle est soumise aux restrictions et aux aggravations pénales de la loi dite de sûreté générale ; la responsabilité politique ne repose qu’en un lieu où elle ne peut être atteinte ; les députés de la nation n’ont pas l’entière liberté du vote de l’impôt, puisqu’ils n’ont sur les dépenses qu’une action restreinte et soumise au contrôle d’une délégation du pouvoir exécutif. Ce serait donc se faire illusion, parce que nous avons des chambres et des journaux, que de croire à l’existence d’un gouvernement représentatif ressemblant ; celui que la France a possédé pendant trente ans. La constitution de 1852 a eu précisément pour but d’établir toutes choses sur des bases différentes, et l’erreur ne vient que de ceux qui, acteurs ou spectateurs, par habitude ou par manque de réflexion, se laissent aller à penser et à tenter d’agir dans le présent comme ils auraient agi et pensé dans le passé. Ils s’exposent ainsi à se consumer en regrets stériles, en efforts impuissans et en reproches injustes, car il ne faut demander aux institutions que ce qu’elles veulent donner, et à ceux qui sont chargés de les appliquer que ce qu’ils peuvent en tirer. Il est à désirer que le corps législatif se pénètre de plus en plus de ces vérités, et qu’elles éclairent de plus en plus le public, où elles commencent à être comprises. Le corps législatif, se rendant un compte exact des limites que lui tracent ses droits et de l’étendue de ses devoirs, n’entreprendra que ce qu’il peut accomplir, mais il doit l’entreprendre avec résolution. Surpris peut-être de voir combien une ferme indépendance lui donnerait encore de pouvoir, alors, mais alors seulement, après avoir fait tout ce qui dépendra de lui, il pourra ne se considérer comme solidaire que de ce qu’il n’aura pu empêcher. Tout le monde gagnera à ce que les choses restent dans leur vérité.

Un mot célèbre d’un des meilleurs ministres des finances que la France ait eus, mot devenu banal à force d’évidence, attribue justement à la politique une influence décisive sur la fortune publique. Or aujourd’hui la politique appartient-elle à l’action parlementaire ? Discuter cette question au point de vue de la direction imprimée à la politique intérieure ou extérieure conduirait sur un terrain qu’il est inutile d’aborder ici. On nous dit que c’est un progrès ; mais, en ce qui concerne les finances, la négation du progrès peut être