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modifiée pour qu’on puisse douter qu’il en ait tiré tout le parti nécessaire et possible. La prérogative qui lui a été restituée a permis au pays d’entendre quelques bons discours; mais l’effet même qu’ils produisaient au dehors n’a pu qu’accroître la surprise causée par l’inefficacité de ces discours dans l’enceinte législative. Le plus respectueux avertissement n’a pas réussi à se glisser dans une adresse, et on s’est demandé si le corps législatif répondait bien à l’invitation qui lui a été faite, s’il ne s’exposait pas à recevoir un jour les mêmes reproches que le Moniteur du 11 janvier 1856 faisait parvenir au sénat. Malgré d’honorables, mais trop rares efforts, la session dernière s’est écoulée sans aucune tentative sérieuse, je ne dirai pas de la majorité, mais d’une minorité un peu nombreuse, pour élever la moindre barrière contre l’exagération des dépenses. Bien plus, lorsque M. Magne vint opposer un tranquille optimisme à des craintes qui allaient si prochainement recevoir la plus haute et la plus éclatante confirmation, son discours, souvent interrompu par les applaudissemens, fut (c’est le Moniteur qui nous l’apprend) suivi de témoignages nombreux de vive approbation.

Le corps législatif ne pourrait désormais se soustraire longtemps vis-à-vis des électeurs, vis-à-vis du pays tout entier, à la responsabilité d’une gestion financière qu’il ne ferait rien pour contenir, s’il ne lui est pas donné de la diriger. Le plus sûr, le seul moyen pour lui d’échapper à la solidarité morale du passé, c’est de décliner celle de l’avenir. Par le sénatus-consulte du 21 décembre 1861, le corps législatif est un peu mieux armé, quoique incomplètement encore, pour faire valoir des droits qu’une conduite prudente et ferme tout à la fois peut lui restituer un jour dans leur intégralité. Tel député qui aurait hésité naguère à rejeter un budget tout entier n’éprouvera pas le même scrupule à renvoyer une section à l’examen du conseil d’état, lorsqu’il saura que par ce moyen il peut amener le gouvernement à accepter quelques-unes des réductions dont l’initiative appartenait à tant de titres au pouvoir exécutif. En effet, après avoir proclamé si haut la nécessité d’un changement de politique financière, le gouvernement semblait s’être imposé le devoir d’introduire dans le budget de sérieuses économies. Il ne l’a pas fait, et tout au contraire ce sont des accroissemens de charges qu’il propose. Quelle que soit la cause qui ait amené un résultat pareil, ce résultat est profondément regrettable; mais, ces réserves faites, personne ne niera que M. le ministre des finances n’ait pris le