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pauvre mort oublié de la renommée, etc. « Cependant l’auteur ne trouve qu’en 1649 pour la première fois le nom et les efforts du janséniste Maignart de Dernières, maître des requêtes à Rouen, et l’on ne saurait oublier que l’action de saint Vincent de Paul, je dis son action générale et sociale, par exemple ses différens essais pour fixer le sort des enfans trouvés, sans compter le reste, est de plusieurs années antérieure à cette date. Autrefois on a raconté ici même[1] comment en 1636, les commissaires du Châtelet retirant chaque matin des égouts plusieurs cadavres de nouveau-nés, une veuve recueillit bon nombre de ces innocens dans sa propre maison, près de Saint-Landry. Elle mourut, et l’établissement dépérit. « M. Vincent, ecclésiastique de Provence, va le visiter ; il y trouve des enfans vivans au milieu de cadavres… Une résolution prompte s’empare de lui : avec l’aide de Dieu, dit-il, je sauverai ces enfans ! Il intéresse les femmes à son œuvre, et forme une association à l’aide de laquelle on loue en 1638 une petite maison à la porte Saint-Victor. » Voilà de la belle et bonne charité bien et dûment organisée quelque douze années avant Maignart de Dernières. Mais peu importe après tout, car M. Feillet rend toute justice à l’apôtre de la charité moderne, et ce n’est pas le moindre intérêt de son livre d’avoir opposé à l’impuissante administration officielle l’ardeur et l’héroïsme de la charité privée.

En résumé, M. Feillet ne tranche pas absolument la grande question qu’il agite ; mais, pour quiconque veut examiner ce problème, son livre est d’un secours indispensable, particulièrement à cause des documens tout nouveaux qui y sont insérés. Il ne s’adresse pas d’ailleurs aux hommes d’étude seulement, mais à tous les amis des sérieuses études historiques et à tous ceux que préoccupent les questions sociales dont la solution intéresse nos destinées.


Histoire du Droit criminel de l’Angleterre, par M. Albert Du Boys.

Ce volume fait suite à une Histoire da droit criminel des peuples modernes que M. Albert Du Boys a entreprise sur un plan particulier. Substituant à la chronologie réelle, qui retient rapprochées les dissonances, la chronologie rationnelle que présente à l’historien philosophe le développement parallèle de chaque civilisation diverse, l’auteur ne compare que des législations issues d’âges analogues, s’abstient de placer la jeunesse d’un peuple à côté de la vieillesse d’un autre peuple, et s’efforce de reconstituer la série logique des différentes évolutions qu’a parcourues dans tout un ordre d’idées l’intelligence humaine. — La législation que le prince Danielo a donnée récemment aux Monténégrins, dit M. Du Boys, admet encore la composition pécuniaire et ne fait qu’assigner des limites à la vengeance du sang, qu’elle n’ose proscrire. Dans les Montagnes-Rocheuses et dans l’Océanie, cette vengeance du sang et le système des épreuves sont encore en usage ; la législation actuelle du Maroc et celle de la Perse ne sont guère plus avancées : irons-nous cependant, parce qu’elles datent du XIXe siècle, les placer à côté du code Napoléon ou des réformes de sir Robert Peel, ou ne

  1. Voyez la Revue du 15 janvier 1846.