Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 39.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les épreuves disparurent de bonne heure de la procédure anglaise; le duel seul y persista longtemps malgré les anathèmes de l’église. Quant à la torture comme moyen d’instruction judiciaire, d’un usage tout à fait général sur le continent à la fin du XIIIe siècle, elle était encore entièrement inconnue en Angleterre au commencement du XIVe. Vers le milieu du XVe sous le règne de Henri VI les ducs d’Exeter et de Suffolk, ses ministres, firent construire, pour appliquer les prévenus à la question, une machine qu’on appela par dérision la fille du duc d’Exeter, et Blackstone s’exprime à ce sujet d’une manière remarquable : « Ces hommes d’état, dit-il, voulaient introduire la loi civile dans le gouvernement, » la loi civile, c’est-à-dire le droit romain et le système inquisitorial, plus favorables que la loi commune au pouvoir royal.

Une bonne partie du volume de M. Albert Du Boys est consacrée ainsi à l’étude de ces origines du droit criminel en Angleterre; mais il poursuit l’examen historique de ce droit jusqu’à la fin de la période féodale proprement dite, dont il place les limites sous le règne de Charles II. Il est clair que, dans une si longue période, de nouvelles influences, fort différentes des influences primitives, sont venues modifier le droit anglais. Les unes sont extérieures, comme l’établissement temporaire d’une monarchie absolue et l’institution d’une église officielle; M. Du Boys semble s’être attaché particulièrement à celles-là : il faut aller chercher les autres dans le développement original du génie anglais, étude longue et difficile sans aucun doute, et dont on peut se faire une idée par le remarquable livre sur le mécanisme et l’esprit des institutions anglaises qu’a publié le savant professeur de l’université de Berlin, M. Gneist.

Ce dernier livre nous en rappelle un autre, qui vient de nous arriver de Russie, et qui, écrit en allemand, étudie avec un soin consciencieux un sujet sur lequel M. Albert Du Boys a donné un intéressant appendice, l’histoire du servage et du paupérisme en Angleterre. Nous voulons parler du volume récemment publié à Saint-Pétersbourg sous ce titre : Histoire de l’abolition du servage et de la dépendance personnelle en Europe jusqu’au milieu du dix-neuvième siècle, par Samuel Sugenheim, 1861. C’est une précieuse enquête. Ce qui concerne l’Angleterre y fait la matière de plusieurs chapitres fort curieux. Le travail de M. Du Boys reste précis et instructif auprès de ce livre spécial; mais ceux qui voudront poursuivre une si grave étude devront joindre au volume français celui que nous venons de mentionner : il s’ajoutera utilement aussi au volume de feu Yanoski sur l’esclavage dans les temps modernes, que M. Henri Wallon a publié il y a peu de temps.


A. GEFFROY.


Histoire de France, par un Américain (History of France), vol. 1. Ancienne Gaule, par M. Parko Godwin.[1].

C’est un grand soulagement de lire une histoire de France, et surtout une histoire des origines de la France, écrite avec un sens moral si net, une bonne volonté si évidente, un si honnête désir d’éclairer la question

  1. New-York, Hasper et frères.