Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 39.djvu/348

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

congrès et de lui demander de longs mémoires sur les questions qu’on va y débattre, l’entretient d’aventures de société, sollicite ses avis ou réclame son entremise dans des rapprochemens et des ruptures où la politique, il faut l’avouer, n’avait trop rien à voir. N’en déplaise à M. de Gentz, M. de Metternich avait plus que lui le juste sentiment de la situation ; il servait parfaitement les intérêts des anciens coalisés de Chaumont en se refusant à provoquer prématurément aucune explication trop précise. Il y avait de la sagesse dans cette légèreté apparente, et beaucoup de sagacité dans cette inaction volontaire. Il s’en fallait en effet que les grandes puissances de l’Europe fussent prêtes à s’entendre sur la répartition qui restait à faire des territoires tombés entre leurs mains depuis la chute de l’empire, à Paris, on avait été unanime pour déterminer avec une mesquine jalousie les frontières de la France. L’union avait été facile pour imposer à notre gouvernement l’obligation de reconnaître à l’avance tout ce que décideraient les autres cabinets. Quant au principe qui présiderait à cette distribution, quant à la part qui reviendrait à chacun, on n’en avait guère parlé : on s’était borné à des déclarations générales et à dessein un peu confuses. Mais si au mois de mai, lors de la signature du traité de Paris, on s’était tant de fois félicité d’être pleinement d’accord, si depuis on n’avait laissé passer aucune occasion de proclamer en phrases magnifiques qu’après tout, et quoi qu’il arrivât, on était assuré de s’entendre, c’est que tout bas et au fond du cœur, comme le remarque finement M. Thiers, on commençait déjà à en douter un peu.

Pénétrons donc un peu plus avant dans ces secrètes divergences de nos anciens adversaires, et tâchons d’expliquer rapidement quelles étaient, à la veille même de l’ouverture du congrès, les tendances diverses des grandes puissances européennes et leurs dispositions générales à l’égard de la France. Cela est indispensable pour comprendre la politique suivie à Vienne par la cour des Tuileries et le rôle qu’y a joué notre ambassadeur.

Sept cabinets d’inégale importance avaient signé avec la France le traité de Paris : c’était l’Angleterre, l’Autriche, la Russie, la Prusse, l’Espagne, le Portugal et la Suède. Évidemment la Suède, rangée derrière la Russie, le Portugal, habitué à prendre le mot d’ordre à Londres, n’apportaient pas au congrès la prétention de peser beaucoup sur les résolutions qui ne les concernaient pas directement. L’Espagne, quoique moins portée à s’effacer, ne comptait pas en réalité beaucoup plus. Il était certain que l’influence dominante allait appartenir aux quatre grandes puissances que nous avons nommées les premières. Chacune d’elles entendait proportionner ses exigences à la grandeur des efforts faits contre l’ennemi commun et aux sacrifices supportés pendant la lutte. À tous