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que M. Cobden, que lord Palmerston soient donc conséquens avec eux-mêmes, et qu’ils prêtent au moins à la cause libérale française le concours moral de leurs vœux et de leur éloquence. Si MM. Bright et Cobden sont vraiment sincères dans leur amour des économies, qu’ils aient le courage de reconnaître hautement que la cause de l’épargne en France est solidaire de la cause de la liberté. Que lord Palmerston reconnaisse que le moyen le plus sûr de mettre la paix du monde à l’aigri des coups de main de quelque mauvaise tête de nos armées et de nos marines, ce n’est pas de multiplier les armemens : c’est de faire, dans le gouvernement d’un pays comme la France, où le régime parlementaire a témoigné pendant tant d’années de son esprit pacifique, la part toujours plus large à la raison générale et à l’opinion publique, représentées et sauvegardées par la liberté de discussion.

Des progrès de la liberté en France dépend la bonne conduite des questions internationales et des intérêts qui nous sont communs avec les autres nations. À ces progrès sont attachés la vitalité et l’honneur de notre révolution et de notre démocratie. Une telle solidarité est chaque jour mieux comprise par les partisans intelligens et sincères de cette grande cause. La question de la liberté est l’objet en ce moment d’intéressantes polémiques entre divers organes des opinions démocratiques. Quelques journaux qui se parent des couleurs révolutionnaires et qui se sont engraissés des profits du monopole ont montré à l’égard des questions de liberté une négligence systématique qui a fini par provoquer dans les rangs démocratiques de généreuses protestations. Les journaux dont nous parlons, pour couvrir leur ignorance affectée des griefs de la liberté en France, simulent de ridicules alarmes sur les périls dont l’esprit clérical menacerait la révolution. Étrange et honteuse façon de comprendre les intérêts présens des principes de 1789! Partout sur le continent où règnent dans toute leur étendue et la liberté de la presse et le gouvernement par la représentation et la discussion, en Belgique, en Suisse, en Italie, les principes de la révolution française triomphent par la liberté, et l’on voudrait qu’en France, sur le sol même où sont éclos ces principes, les grandes idées et les grands résultats de la révolution eussent besoin de la protection de l’arbitraire, et eussent à redouter les épreuves de la liberté ! Parmi les principes de la révolution, ceux pour lesquels on affiche une sollicitude si maladroite ou si peu loyale ont définitivement triomphé et sont à l’abri de tout mouvement réactionnaire. Parmi ces principes, un seul à cette heure est en souffrance chez nous : celui-là même qui est la sanction et la garantie de tous les autres, la liberté. Quiconque, parmi les organes de la démocratie en France, subordonne à d’autres intérêts la question de liberté déserte en fait la cause de la révolution.

Contradiction bizarre! Nos démocrates contempteurs de la liberté sont justement ceux qui affectent le zèle le plus exclusif pour la révolution italienne. Ils ont donc bien peu compris cette révolution. Nous avons toujours