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pensé, quant à nous, que le succès de l’émancipation italienne était une victoire commune pour toutes les causes libérales européennes, et annonçait tous les peuples du continent le retour d’un mouvement contraire aux réactions oppressives dont l’Europe a souffert depuis 1851. C’est pour cela qu’avec un empressement dont nous n’avons qu’à nous applaudir, et contrairement à quelques divergences personnelles qui se manifestaient très intempestivement autour de nous, nous avons reconnu dans la cause italienne une cause parente de la nôtre; mais comment se fait-il que, même parmi les partisans de la révolution italienne, tout le monde en France ne comprenne point les enseignemens les plus saisissans qu’elle nous a donnés? Elle n’a pas voulu sacrifier un seul jour la liberté à ces prétendues nécessités de salut public qui certes ne lui faisaient pas défaut, et qu’exploitent si avidement les esprits étroits et les caractères tyranniques. Au milieu des difficultés qui les assiégeaient, M. de Cavour et ses successeurs n’ont pas voulu suspendre une seule fois et la liberté de la presse et le gouvernement parlementaire; ils n’ont pas voulu retirer des mains de leurs ennemis les armes de la liberté. Les démocrates qui ont si peu de souci en France des garanties libérales, et qui consentent à s’en priver eux-mêmes sous le honteux prétexte de désarmer leurs adversaires, font donc voir qu’ils n’ont pas plus l’intelligence de la révolution italienne qu’ils n’ont de sollicitude pour l’honneur de la révolution française.

Le succès de l’œuvre de l’unité italienne se confirme de plus en plus dans la conscience de l’Europe. Le voyage du roi Victor-Emmanuel dans les provinces napolitaines, l’accueil enthousiaste qu’a reçu des populations le prince qui est le vivant symbole de l’unité de l’Italie, sont des faits dont la portée ne peut plus être contestée, et qui consolident fortement la situation du nouveau royaume. Parmi les autres avantages moraux récemment obtenus par la cause italienne, on doit compter la déclaration significative du ministre d’Autriche, M. de Rechberg. L’Autriche vient d’annoncer officiellement à l’Europe qu’elle a renoncé à toute politique d’intervention en Italie, que son attitude sera désormais purement défensive, et, comme à l’appui de cette déclaration, elle n’a pas hésité à réduire son armée. On reconnaît à ces sages résolutions de la politique autrichienne l’heureux ascendant acquis par M. de Schmerling dans les conseils de la cour de Vienne. M, de Schmerling poursuit le travail de transformation du gouvernement autrichien en monarchie constitutionnelle avec une application sincère et persévérante dont l’Europe libérale doit lui tenir compte. La politique nouvelle de l’Autriche donne à l’Italie la sécurité dont elle a besoin pour se constituer régulièrement. Un des résultats immédiats de cette politique est en quelque sorte d’isoler davantage la question romaine, de la mûrir, d’en presser la solution. Il est aujourd’hui hors de doute que notre gouvernement incline dans un sens plus favorable aux vœux de la nation italienne. Entre les alternatives du dilemme Goyon-Lavalette, le choix est fait : le