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formulée dans le traité du 30 octobre 1861? Trois puissances considérables ne pouvaient manifestement sceller une alliance avec un certain éclat, envoyer leurs escadres et des corps de débarquement, pour se borner à quelque résultat insignifiant, pour se laisser jouer encore par quelque nouvelle comédie de négociations évasives. La France, l’Angleterre et l’Espagne, mettant en commun leurs griefs de toute sorte, allaient au Mexique pour chercher des réparations malheureusement trop légitimes, pour imposer à des pouvoirs malvenus le respect de la vie et des intérêts de leurs nationaux et de tous les étrangers. Elles ne cachaient point d’ailleurs leur désir de voir l’intervention européenne servir à l’établissement au Mexique d’un gouvernement plus régulier, plus stable, plus propre à offrir des garanties permanentes de sécurité et de protection. L’apparition des forces alliées devait, selon toutes les conjectures, provoquer une manifestation du peuple mexicain en faveur d’un ordre politique plus conservateur. En un mot, sans que ce fût là l’objet précis et ostensible de l’alliance, on entrevoyait au bout de l’expédition européenne la possibilité de l’établissement d’une monarchie, et comme on va vite dans cette voie, le nom même du chef de la future monarchie n’était plus un mystère. L’archiduc Maximilien d’Autriche semblait le candidat en disponibilité de l’empire mexicain. Six mois se sont écoulés depuis que les trois puissances sont engagées dans cette aventure : où en est-on aujourd’hui? Non-seulement la monarchie qu’on voyait déjà s’élever sur ce sol dévasté est toujours un problème, plus que jamais un problème, mais les réparations mêmes qu’on était allé chercher, on ne les a pas obtenues. L’Espagne, après avoir devancé ses alliés avec une ardeur quelque peu excessive, semble s’être refroidie un instant, et on la dirait assaillie d’hésitations singulières. L’Angleterre, qui n’avait envoyé que peu de troupes de débarquement, les retire presque tout entières sans dépasser la Vera-Cruz. La France marche en avant ou est sur le point de marcher, et ce qu’on sait de plus clair jusqu’ici de cette expédition, c’est qu’il y a sur le sol mexicain quelques milliers de soldats européens faisant des marches et des contre-marches, s’avançant pour reculer, ou rétrogradant pour reprendre leur élan, tandis que les gouvernemens, en maintenant toujours l’alliance du 30 octobre, en restant ostensiblement d’accord sur la nécessité de l’intervention, suivent en réalité une politique assez divergente, si ce n’est contradictoire. Et voilà comment cette affaire du Mexique va en se compliquant, au lieu de se simplifier.

Quelle est donc la cause de ces contradictions et de cette confusion, si visibles dans l’action des forces alliées au Mexique? La vérité est que, si les trois puissances, dans les préambules de leur alliance, ne jugeaient pas d’une manière différente la situation de la république mexicaine, elles n’avaient pas une opinion entièrement identique sur la portée définitive de l’intervention, sur la signification morale et politique de cette démonstration de l’Europe. De là ce décousu qui a commencé dès l’origine, le jour où