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nombre d’affaires qui exigeaient autrefois l’intervention de l’autorité centrale, ce décret a simplifié les formes les plus lentes de l’administration, mais il n’a rien fait pour l’émancipation des administrés; c’est un progrès plus apparent que réel, d’autant plus qu’il n’a encore reçu qu’une exécution faible et incertaine.

La véritable décentralisation, comme le dit très bien M. Chevillard, réside dans l’action des corps électifs. Ces corps existent aujourd’hui, ils sont même issus du suffrage universel, mais ils ne sont pas pourvus d’attributions suffisantes. Arrivé là, l’auteur des Études d’administration se montre hésitant et timide; il semble reculer lui-même devant les souvenirs qu’il évoque. « Jamais, dit-il, la France ne reverra un système aussi complet de libertés locales que les assemblées provinciales de Louis XVI. » Pourquoi pas? La constitution de ces assemblées n’avait rien d’anarchique; leurs délibérations restaient soumises au contrôle du pouvoir central, et elles avaient auprès d’elles, pour les diriger et les contenir, l’intendant ou commissaire du roi. On comprendrait ce jugement s’il s’agissait de ces systèmes morts-nés inaugurés par la constitution de 1791 et les constitutions suivantes, qui supprimaient dans les provinces les agens du gouvernement et qui confiaient l’administration tout entière à des corps délibérans; mais on chercherait en vain ces erreurs dans l’édit de 1787. Les principes de cet édit l’ont déjà emporté deux fois sur les déviations en sens contraire de nos révolutions : une première fois, quand la loi de l’an VIII a rétabli les intendans sous le nom de préfets; une seconde, quand la loi de 1833, après tant d’années de délégation arbitraire, a rendu l’élection aux conseils locaux. Il y a encore à puiser dans cette mine ouverte depuis soixante-quinze ans.

Les syndics-généraux élus formaient double emploi avec les intendans et ne méritent pas d’être repris; mais ce qui est vrai des fonctionnaires de province ou de département ne l’est pas au même degré des agens secondaires. Rien n’empêche que le sous-préfet, par exemple, si l’on s’en tient à l’organisation actuelle par arrondissement, ou le maire cantonal, si l’on préfère l’organisation par canton, ne reprenne le caractère électif ou tout au moins un caractère mixte. Il suffit du préfet pour maintenir au centre du département l’action du pouvoir unitaire; dans les arrondissemens et à plus forte raison dans les cantons, on peut sans inconvénient donner aux corps électifs une part dans le choix de ces agens qui n’ont et n’auront jamais beaucoup d’importance. Les assemblées d’élection de Louis XVIe nommaient elles-mêmes leurs syndics.

J’ai déjà fait remarquer que la commission intermédiaire, chargée de veiller dans l’intervalle des sessions à l’exécution des délibérations, dont l’analogue se retrouve dans les anciens états provinciaux de presque toute l’Europe et qui existe encore en Belgique sous le nom de députation provinciale, mériterait au moins un examen approfondi. Toutes les commissions de ce genre, instituées en vertu de l’édit de 1787, se montrèrent très zélées et très sérieuses; elles durèrent plus que les assemblées elles-mêmes, et ne disparurent qu’en 1790 devant les nouvelles administrations départementales. Dans tous les cas, si les avantages de ce moyen de surveillance peuvent être contestés, ceux d’une plus grande publicité pour les délibérations des