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d’eux ne voulait aller, et les força bientôt par cela même à retourner en arrière. Lord Brougham affirme à ce propos qu’en Angleterre alors, comme en France cent cinquante ans après « la grande majorité de la nation était opposée au renversement de la monarchie, que le parti républicain, d’abord extrêmement peu considérable, fut toujours en Angleterre encore moins nombreux qu’en France, et qu’en outre, dans les deux révolutions, le parti vainqueur dut ses succès aux mêmes causes, car ce fut dans les deux pays la mollesse et la pusillanimité des gens honnêtes qui firent triompher les ennemis du peuple. À certaines époques, la faiblesse aussi est un crime, et celui qui permet le triomphe de l’injustice partage la culpabilité, bien qu’il ne partage pas la dépouille. « Le principe, — dit-il, et nous lui laissons la responsabilité de cette opinion, — la cause historique et le fondement même de l’établissement de la constitution anglaise, telle qu’on la voit pratiquée aujourd’hui, c’est la résistance nationale aux empiétemens et aux derniers efforts de la royauté sous Jacques II. Alors la base du gouvernement fut combinée de manière à trouver dans le droit de résistance du peuple sa pierre angulaire ; c’est un point capital qu’il ne faut pas perdre de vue. Il n’est pas moins utile de se rappeler toujours combien ce principe de résistance est essentiel à la conservation de la constitution ainsi établie et assurée, et combien aussi il importe aux gouvernans et aux gouvernés de considérer que le recours au droit de résistance est toujours possible dans les cas désespérés, recours, il est vrai, qu’on doit regarder comme une dernière extrémité, mais qui néanmoins est toujours un expédient à la portée du peuple, et qui, sera son refuge autant de fois que les maîtres du pouvoir le lui rendront nécessaire pour sa défense personnelle[1]. »

La durée et la conservation de l’édifice d’un gouvernement mixte, fondé ainsi après tant de combats sur le droit de résistance, sont uniquement dus à la sagesse de tous les pouvoirs, et ici commence le rôle de la politique de compromis. En Angleterre, les plus terribles conflits n’ont amené que des changemens modérés ; en France, au contraire, les luttes des partis ont généralement fini par des révolutions. Si les compromis ne suffisent pas, et si la concession à faire n’est pas radicalement désastreuse, un parti cédera parfois complètement à l’autre, à charge de revanche dans une occasion ultérieure. La conséquence est que personne ne l’emporte absolument dans aucune question d’après ses prétentions premières, et que les affaires prennent un cours différent de celui qu’elles auraient suivi, si un des partis avait eu seul la puissance.

  1. Chapitre XVII, page 251.