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des émanations putrides, cause prédominante des fièvres qui désolent ce pays, d’où la malaria éloigne la majeure partie des habitans pendant quatre ou cinq mois de l’année.

Le climat de la Maremme n’a pas toujours été aussi malsain et le sol toujours aussi inculte. On sait que l’état d’abandon où furent laissées les terres de la Toscane ne date que de la décadence de l’empire romain. Aux beaux temps de la république, l’Étrurie était l’un des greniers de Rome. À l’époque des Étrusques, la splendeur et les richesses de ces contrées étaient plus grandes encore. C’est là en effet que florissait la ville fameuse de Vetulonia, l’une des douze capitales ou lucumonies de l’Étrurie du centre. Les ruines de cette cité sont aujourd’hui perdues, et c’est en vain que les antiquaires ont cru les rencontrer soit sur les bords de la Cornia, soit dans l’emplacement de Massa maritime, la Massa Veternensis des Romains. On a été plus heureux pour d’autres villes étrusques de la Maremme, et à Roselle on a trouvé de nombreuses ruines qui rappellent l’éclat du passé. Populonia, la Pupluna des Rasènes, nommée par Virgile, est encore debout aujourd’hui à la même place et avec le même nom. Son enceinte de murs pélasgiques n’est qu’en partie détruite, et comme à Volterra, la Vèlathri des Étrusques, cette enceinte fait honte au peu d’étendue de la ville actuelle. Toutes ces cités si puissantes répandaient autour d’elles le mouvement et la richesse, tandis que de nos jours les hommes ont presque disparu de ces contrées, chassés par l’insalubrité du climat.

Je n’avais pas entrepris mon voyage avec l’intention de rechercher après tant d’autres l’emplacement de Vetulonia, et d’enrichir l’archéologie de cette importante découverte. Néanmoins je ne pouvais passer au pied de Populonia, qui m’apparaissait sur une hauteur, sans me sentir pris d’un vif désir de la visiter. Ici aucune fouille n’était à faire, la ville étalait généreusement ses ruines. Je donnai donc l’ordre au cocher de tourner à droite, et bientôt, laissant la voie Émilienne, nous arrivâmes devant l’ancien port de la ville étrusque, aujourd’hui Porto-Baratti. Comme au temps de Strabon, qui a fidèlement décrit le havre et la ville qui le domine, on fait toujours dans ces parages la pêche du thon avec grand profit[1]. Le phare dont parle le voyageur grec a disparu, et l’on en trouverait sans doute les ruines en cherchant bien au fond de la mer. Les usines à fer que cite encore Strabon sont également absentes. Dans l’antiquité, elles projetaient l’éclat de leurs feux sur ces rivages, et éclairaient, elles aussi, les navigateurs qui fréquentaient la mer tyrrhénienne. L’île d’Elbe, d’où l’on tirait le minerai, avait elle-

  1. Strabon, Géographie, liv. V, chap. 2.