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était si grande pour Rome. Ces fours restèrent également allumés sous les empereurs. Un voyageur latin, Rutilius Numatianus, qui passa en cet endroit vers le Ve siècle de notre ère, et qui a laissé de son voyage une pittoresque description, parle en effet du travail du fer à Populonia. En supposant que l’invasion des Barbares ait mis fin à ce long travail métallurgique, il n’en reste pas moins très curieux, non-seulement par la manière si intelligente dont il a été conduit en ces temps reculés, mais encore par la durée de dix ou douze siècles sans aucune interruption qu’on lui attribue.

Après avoir longuement visité les ruines de ces fonderies étrusques, je gravis à pied la montée qui conduit à Populonia. Les chevaux, fatigués d’un voyage un peu long, purent ainsi souffler tout à leur aise. Gamba Corta marchait à côté d’eux, faisant claquer son fouet. Dilettante comme tous ses confrères, il sifflotait, pour égayer sa marche et exciter ses bêtes, le brindisi de la Traviata. Tout entier à ses chants, il s’inquiétait peu des Étrusques et de leur glorieux passé. Cependant de temps à autre il daignait jeter un regard sur les pans de murs cyclopéens qui d’un côté bordent la route. D’immenses blocs à paremens polygonaux sont entassés les uns sur les autres, s’emboîtant avec une parfaite régularité. C’est à peine si l’on aperçoit les joints. Aucun ciment ne relie entre elles ces énormes masses, et après trois mille ans elles sont encore en place comme au premier jour. De quels puissans engins devaient être munis les hommes de cette époque pour traîner à cette hauteur et disposer si bien d’aussi lourds matériaux ! En quelques endroits, le chemin est parqueté de larges dalles, découpées en polygones comme la façade des murs. Puis la muraille et le parquet disparaissent tout à la fois. Les Barbares, et après eux les habitans aussi peu policés auxquels Populonia a successivement donné asile, n’ont pris aucun souci de ces restes d’une civilisation à la fois si ancienne et si avancée, et tour à tour ils se sont servis d’une partie des matériaux étrusques pour élever leurs petits monumens. Le Colisée lui-même n’a-t-il pas été exploité comme une carrière, et n’a-t-il pas fourni pour une large part à la construction des palais édifiés à Rome pendant le moyen âge et le commencement des temps modernes ?

On entre à Populonia par une porte ouverte dans le mur qui entoure la ville moderne, car les murailles étrusques comprennent un trop grand espace pour la population actuelle. Au bruit que fit la voiture dans la principale et je dirais presque l’unique rue sur laquelle la porte donnait accès, tout le monde se mit aux fenêtres : chacun voulait voir le forestiere, l’étranger qui arrivait. Aucune auberge n’existant dans l’endroit, j’allai frapper à une maison hospitalière dont on m’avait donné l’adresse à Livourne. Le seigneur