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du matériel, qui permettaient de distribuer aux équipages les rations de pain frais que l’amirauté anglaise se décide aujourd’hui seulement, en 1862, à vouloir introduire dans le régime de ses marins. C’était encore pour la manœuvre des ancres le cabestan Barbotin et le stoppeur Legoff, qui sont devenus depuis d’un usage universel dans toutes les marines militaires et commerciales du monde ; c’étaient enfin dans chaque détail des appareils nouveaux ou très perfectionnés et confectionnés toujours avec une exactitude, un soin, une excellence qui faisaient l’admiration des gens du métier. Le mot n’est pas trop fort. Au mois de juillet 1844, en arrivant dans les mers de l’Indo-Chine, c’est-à-dire assez longtemps après que l’on avait procédé à la vente des objets provenant du sauvetage de la frégate la Magicienne, perdue en 1842 sur le banc de Palawan, j’eus le plaisir de constater l’impression que cette vente avait produite sur le public. Dans ces régions, où tout le monde entend quelque chose aux affaires de la marine, mais où notre pavillon était encore peu connu, on avait été frappé dès qualités supérieures que présentaient tous les détails de l’armement qui avaient passé par le feu des enchères ; les Chinois eux-mêmes y avaient été sensibles malgré le mépris qu’ils affectent pour ce qui vient de l’étranger, et ils avaient acquis une partie de ces épaves. Deux ans après la vente, l’effet durait encore.

Toutefois ce qui attirait surtout les regards de l’observateur et ce qui eût mérité une mention spéciale, c’était le service de l’artillerie. Quoique nous n’ayons pas inventé la poudre et que les étrangers aient connu l’usage du canon longtemps avant nous, c’est cependant une arme que la France a peut-être contribué et vient encore de contribuer à perfectionner plus qu’aucune autre nation. L’artillerie ne pouvait pas rester en arrière des progrès qui s’accomplissaient autour d’elle ; bien loin de là, elle avait subi une rénovation presque complète. Nous étions restés fidèles au vieil affût marin, qui, même aujourd’hui, est encore ce qu’il y a de plus parfait dans le genre ; mais hors de là tout était nouveau : les bouches à feu, les calibres, les étoupilles fulminantes, les percuteurs, les hausses de mire, les projectiles incendiaires, percutans ou asphyxians, la confection des gargousses, l’aménagement des poudres et des boulets dans les soutes, etc., etc. Tout cela était nouveau et nous appartenait, comme appartenait à un officier français, le général Paixhans, l’invention des canons qui avaient enfin permis l’emploi des obus dans l’artillerie des bâtimens de mer. Le canon rayé a maintenant supprimé de fait tout ce matériel, qui n’aura pas régné plus de trente ans ; mais au moment où il parut pour la première fois, et c’est sur nos flottes qu’il parut, il apportait un élément de supériorité réel et d’autant plus considérable que l’instruction des officiers et