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traité de commerce et d’amitié que nos deux empires ont conclu, j’ai dans le temps envoyé respectueusement à l’empereur l’exemplaire original ; comme sous peu il reviendra signé à Canton, ce sera mon devoir de vous le remettre aussi respectueusement, et alors on pourra voir si tout est bien conforme à la stricte vérité ou non. Maintenant ce n’est pas le cas d’en parler davantage.

« Votre navire va en pays lointain, je suis bien fâché de ne pouvoir vous accompagner ; mais lorsque vos affaires seront terminées, vous reviendrez ici, et j’aurai de nouveau l’honneur de vous voir. Mes pensées se dirigent vers vous, et de loin je vous souhaite toute sorte de prospérités, ne pouvant vous exprimer tout ce que je voudrais vous dire. »


À cette dépêche officielle était jointe une lettre particulière dans laquelle Ki-yng renouvelait ses protestations et ses marques d’attachement :


« Je suis né en Chine, et par mon corps je suis parent de l’empereur. En servant mon souverain ainsi que mes père et mère, et dans mes rapports de société avec mes amis, je n’ai jamais manqué en tout temps et en toutes choses de me proposer par-dessus tout la sincérité et la circonspection. Aussi tous mes bons amis m’ont-ils honoré d’un excès d’amitié sans jamais m’avoir fait essuyer la moindre répulsion. Ainsi, par exemple, l’ambassadeur anglais, Pottinger, et l’ambassadeur des États-Unis, Cushing, ont eu pour moi une vive amitié qui a dépassé les bornes ordinaires.

« Quant à nous deux, nos sentimens et nos idées se sont trouvés en parfait accord ; notre intimité peut se comparer à l’or et aux pierres précieuses. Les anciens disaient que quand un homme dans ce monde a trouvé un ami véritable, il ne doit plus avoir d’autre inquiétude. Voilà bien qui est applicable à nous deux ; mais moi qui, lié par mes fonctions publiques, ne peux être constamment à vos côtés, je me sens le cœur dans une inquiétude continuelle. Le mois passé, quand vous êtes venu à Canton, je n’ai eu qu’une fois le plaisir de vous voir. Vous êtes ensuite parti pour Luçon, et moi, retenu par les devoirs de ma charge, je n’ai pu vous accompagner personnellement ; mais au milieu de la peine que cela me cause, mon esprit se reporte constamment vers vous. Le seul espoir qui me reste, c’est que lorsque vous aurez terminé vos affaires vous reviendrez ici, et alors il faudra de nouveau que nous buvions ensemble, que nous nous ouvrions mutuellement notre cœur, et que nous nous réjouissions ensemble. J’espère qu’une occasion favorable venant à se présenter, vous voudrez bien me faire savoir à quelle époque vous reviendrez, afin de consoler mon espérance. La saison est très froide maintenant, il faut avant tout que vous ayez soin de vous. Mes sentimens ne peuvent être exprimés par des paroles, j’espère que vous les lirez dans mon cœur. »


En réalité, malgré les dénégations de Ki-yng, l’altération avait eu lieu, mais à son insu, et on se croyait en droit.de soupçonner le bureau des rites de Pékin. Les vives réclamations de M. de Lagrené