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les lois et règlemens qui président aux opérations de la Bourse ! Après des épreuves sans nombre, le marché, sans ressort et comme frappé de paralysie, est incapable de venir en aide à l’état lui-même, lorsqu’il est obligé d’y recourir Quel a été le rôle de la Bourse dans l’opération de la conversion facultative du 4 1/2 en 3 pour 100 ? La manière dont cette opération s’y est traitée peut donner des opinions très justes sur le régime auquel elle est soumise. On a vu, non sans quelque étonnement, que nous n’étions pas plus avancés en matière de crédit pour une semblable occurrence que nous ne l’étions il y a trente-sept ans, sous le ministère de M. de Villèle. Les discussions qui ont eu lieu au corps législatif ont signalé à l’attention publique les mesures que le gouvernement a cru devoir prendre pour favoriser son opération en face de l’impuissance créée par l’exercice des monopoles. Or tous les moyens qui ont été employés n’ont abouti qu’à faire péniblement atteindre au 3 pour 100 le cours de 71 francs pour le voir bientôt se traîner aux environs de 69 et 70. Et cependant cet élan pénible a causé sur le marché des désastres trop éclatans pour ne pas nuire à l’opération du gouvernement. Ainsi un mouvement de 2 francs avec un marché restreint a eu sur la spéculation des effets qu’une baisse de 14 fr. en 1849 lors des élections de Paris, un affaissement de 8 francs au mois d’avril 1859 dans une seule matinée de bourse, n’avaient pas produits ! C’est qu’à ces époques le marché libre existait, et que la surveillance exercée, les solidarités créées, les responsabilités offertes par une grande quantité d’intermédiaires donnaient à la place une sécurité qu’elle n’a plus. C’est que les petits capitalistes, sacrifiés désormais par le monopole aux gros capitalistes, ne trouvant plus ni aide, ni conseil, ni empressement dans des agens qui négligent les affaires de peu d’importance, font défaut au crédit de l’état, et que cette clientèle qui lui était si utile a disparu parce qu’on la maltraite. Or, si elle a fait défaut à l’opération de la conversion, combien son absence se fera-t-elle plus vivement sentir lorsqu’on procédera au reclassement de cette masse de titres sortie des mains des rentiers sous la forme de Il 1/2 pour entrer à l’état flottant, sous la forme de 3 pour 100 nouveau, dans les mains des banquiers et des grands capitalistes qui ont fait de la conversion une affaire de spéculation !

En chassant du marché des valeurs publiques leurs concurrens et leurs rivaux, les monopoles ont créé cet état de marasme qui fait que le pays doute à la fois de ses ressources et de sa force. Au milieu d’une apathie qui ne se réveille que sous les émotions de la défiance et de la crainte, les moindres secousses dans notre économie financière inspirent les plus vives alarmes. Avec des revenus