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publics de près de 2 milliards, avec 5 milliards de numéraire, plus de 20 milliards de valeurs mobilières qui produisent depuis 4 jusqu’à 7 pour 100 par an, avec une production territoriale incomparable, nous sommes en proie aux plus pénibles inquiétudes, et toutes les sources du crédit sont taries, lorsque nous avons besoin d’acheter à l’étranger pour 300 millions de céréales ! Voilà où nous ont amenés les monopoles, les législations restrictives, les atteintes portées avec des armes d’un autre temps à la liberté des transactions. Qu’on laisse donc au plus tôt cette immense fortune circuler, s’accroître, se transformer, se répandre un peu partout, et qu’on lui en fournisse les moyens.

Nous venons d’entrer commercialement dans une ère nouvelle qui va changer les conditions de notre production industrielle, et qui demande toute une série d’efforts du législateur, de nous-mêmes et de l’état. Les lois qui doivent présider à l’association des capitaux, celles qui doivent faciliter et garantir la circulation des titres mobiliers exigent donc de promptes améliorations. Des réformes dans le sens de la liberté peuvent seules rendre au pays l’activité qu’il a perdue. En regard de la situation de nos finances publiques, alors que le rétablissement d’anciens impôts et la création de nouvelles taxes soulèvent de justes oppositions, n’est-il pas permis de rappeler que c’est dans la prospérité du commerce et de l’industrie, dans l’emploi de toutes les forces individuelles mises en action, que le trésor puise la majeure partie de ses revenus ? Ces revenus, issus de l’impôt indirect, se sont accrus pendant dix ans d’une façon inespérée ; il est urgent d’en faciliter la marche progressive. La France paiera sans trop d’embarras un budget de 2 milliards, si la fortune de ses citoyens se développe proportionnellement aux charges qui lui sont imposées ; mais, pour arriver à ce résultat, il faut rendre tout son ressort à l’activité individuelle, paralysée par les privilèges et les monopoles, par les lois et les mesures restrictives dont nous avons essayé de montrer les fâcheux effets. Ces mesures sont aujourd’hui condamnées par tous les bons esprits, et le corps législatif s’est fait l’interprète de l’opinion générale en déclarant dans son adresse de 1862 qu’il souhaitait « la réforme de certaines lois commerciales, enfin la suppression des entraves que l’excès de la réglementation oppose aux forces productrices du pays. »


G. POUJARD’HIEU.