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étoffes, des meubles et des ustensiles. Tout cela était bien de l’art utile qui ajoutait au bien-être. On ne songeait guère en ce temps-là à l’art pour l’art, comme on dit aujourd’hui, c’est-à-dire à entasser dans son atelier des tableaux sans but, créés par une imagination déroutée, et qui ne trouvent de place nulle part.

Les Chinois, si barbares que vous les supposiez, sont en céramique des maîtres qu’il faut étudier sérieusement. Dans leur peinture sur faïence, sur étoffe ou sur papier, ils mettent toujours la couleur pure et franche, ne se préoccupant que des nuances et des associations de tons ; c’est ainsi qu’ils restent éblouissans par la couleur, et qu’ils méritent le titre de coloristes par excellence. Voyez ces vases couverts de cinquante, de cent figures entremêlées de kiosques, de fleurs et d’oiseaux ; vous n’y trouverez pas une ombre pour faire illusion sur les lointains ou les premiers plans, pour détacher du fond ces ornemens et leur donner du relief ; jamais, en pareil cas, ces habiles décorateurs ne se préoccupent des lois de la perspective : ils n’ont qu’un but, orner le vase de façon à satisfaire l’œil par la couleur et ne pas nuire à la forme. Les plis des étoffes, le tissu des fleurs, sont indiqués par des « tons sur tons » qui augmentent l’éclat et la force, sans jamais salir la nuance. Et qu’on ne s’imagine pas qu’ils agissent ainsi par ignorance. Ouvrez un de leurs albums ; voyez ces portraits, ces miniatures : avec quelle habileté de touche, quel sentiment du relief et du modelé, ils sont exécutés ; comme les Chinois savent bien, lorsqu’ils peignent sur le papier ou sur l’ivoire, indiquer la perspective, les raccourcis, les plans divers et faire du trompe-l’œil ! Ces branches de pommier, de cerisier ou de pêcher, de bois joli, de lotus ou de bambou, dont ils aiment à décorer leur porcelaine, sont d’un dessin si naïf et si vrai, d’une couleur si suave, elles sont si bien jetées pour la décoration et l’espace à garnir, que sans le moindre effort, par le seul sentiment du beau pittoresque, elles arrivent à un résultat mille fois plus parfait que celui obtenu ou cherché par ces peintures assurément plus savantes et surtout plus pénibles, mais d’un effet nul, ou, ce qui est pis encore, d’un effet si désagréable, qu’on évite d’y arrêter son regard, comme on éviterait d’écouter une note fausse.

Le peuple chinois est le seul peuple du monde qui possède une chronologie exacte depuis la plus haute antiquité jusqu’à nos jours. Ses annales officielles citent comme inventeur de la poterie l’empereur Hoang-ti, qui monta sur le trône l’an 2698 avant Jésus-Christ. Sous ce règne, l’intendant des poteries se nommait Ning-fong-tse. À une époque qui appartient un peu plus aux temps historiques, nous trouvons qu’avant d’être empereur, en l’an 2255 avant Jésus-Christ, Chun fabriquait de la poterie dans un district