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de la province de Chan-tong. Ce fut sous le règne de cet empereur, affirment à l’unanimité les historiens chinois, que les vases de terre cuite ont été connus et employés. La porcelaine ne parut que sous la dynastie des Han, 200 ans avant Jésus-Christ, ce qui lui donne encore une préexistence de 2000 ans sur la nôtre. Vers l’an 419 de notre ère, on fabriquait depuis longtemps de la porcelaine dans la province de Tche-kiang. Cette porcelaine était bleue et jouissait d’une grande vogue. En 583, un décret spécial ordonna de fabriquer une porcelaine à part, pour l’usage de L’empereur. Depuis lors, l’histoire a enregistré les noms des plus habiles ouvriers, parmi lesquels prédomine celui de Tchang l’aîné, qui vivait en 960. Des fabriques importantes s’établirent à Tchange-nan, et les produits furent si remarquable dès l’origine, qu’ils fondèrent la réputation de ce pays. Plus tard, sous la dynastie Song, en 1004, cet établissement devint et est encore le siège célèbre de la manufacture impériale, sous le nom de King-te-tchin. La manufacture impériale de Chine peut être comparée aux villes les plus grandes et les plus peuplées de l’empire. Elle est située dans une vaste plaine environnée de hautes montagnes qui donnent issue à deux rivières ; l’une d’elles, très large, forme un bassin de près d’une lieue. On y voit deux ou trois rangs de barques, à la queue les unes des autres. Lorsqu’on entre le soir dans ce port par l’une ou l’autre des deux gorges, on croit voir un volcan immense ou une ville, embrasée. Les trois mille fourneaux à porcelaine qui vomissent des tourbillons, de flammes et de fumée font juger tout de suite de l’étendue, de la profondeur et des contours de King-te-tchin. On y compte dix-huit mille familles. De riches marchands y ont des habitations d’une étendue considérable, renfermant une multitude d’ouvriers et d’usines. Aussi assure-t-on que toute cette population monte à plus d’un million d’âmes. Quand on compare un tel mouvement de production, à l’état de notre manufacture de Sèvres, qui semble un couvent abandonné, tant elle manque de vie et d’activité, et qu’on lit dans l’histoire du district de Feou-liang un mémoire de soixante-douze pages sur l’administration de la fabrique impériale de King-te-tchin, avec l’énumération des porcelaines fournies à l’empereur pendant l’année, on est moins tenté de regarder le peuple chinois comme un » peuple barbare[1]

  1. Cette numération occupe cinq pages in-4o, parmi lesquelles, pour ne citer que quelques articles, nous voyons 31,000 plats à fleurs, 10,000 assiettes blanches avec des dragons bleus, 18,400 coupes à fleurs pour le vin avec deux dragons au milieu des nuages, 11,250 plats blancs avec des fleurs bleues et des dragons, et enfin plus de 100,000 pièces de vaisselle pour l’usage du palais. En outre on y trouve le catalogue et la description de cinquante-sept sortes de porcelaines. Cette histoire publiée pour la première fois en 1325, a eu vingt et une éditions, dont la dernière porte la date de 1823.