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et de Pistoie. Ils en descendent en foule chassés par les neiges et se répandent par toute la Maremme, où ils viennent prêter leurs bras aux compagnies minières et métallurgiques. Ce sont des travailleurs intelligens, joyeux, actifs. La polenta compose le fond de leur nourriture, mais Os ne dédaignent pas le baccala, sorte de morue sèche, et le salame ou viande salée. Ils boivent aussi volontiers du vin et de l’eau-de-vie. Ils parlent la belle langue de Dante avec une pureté rare et un accent qui passe, comme celui de Sienne, pour le meilleur en Italie. Fiers de cette distinction, il font peu de cas de leurs voisins les Lucquois, les Modenais, les Parmesans, qui ne parlent qu’un méchant dialecte, qui émigrent également pour la Maremme pendant l’hiver et s’y adonnent principalement au travail de la terre. Le sobriquet de Lombardi que leur appliquent dédaigneusement les Pistoyais rappelle les anciennes luttes de l’Italie, et équivaut, pour des oreilles toscanes, au nom malsonnant d’étranger lourdaud et grossier ou de barbare, comme on eût dit au temps de Rome.

C’est ainsi qu’en me dirigeant vers Monte-Bamboli et arrivé à ces mines, je passai en revue toute la population des ouvriers immigrans de la Maremme. Tous la quittent au mois de juin, emportant leur petit pécule vers le sol natal. Ils y vont revoir leur famille, faire leurs récoltes et procéder à leurs semailles. La plupart retournent ensuite se louer de nouveau tout l’hiver en Toscane, mais plusieurs parmi eux ne résistent pas longtemps à ce métier, car les fièvres de la Maremme, contre lesquelles ils prennent tous fort peu de précautions, font bien des victimes parmi les immigrans. Plus d’un qui a quitté ses montagnes à l’air pur ne doit plus les revoir ; d’autres y rapportent les germes d’un mal qui les mine et les consume lentement.

Monte-Bamboli, où je venais d’arriver et dont j’apercevais depuis longtemps la maison d’administration perchée à mi-coteau et les puits de mine avec leurs cheminées fumantes, est un des lieux les plus malsains de la Maremme. Ici, comme dans tout l’intérieur du pays, les fièvres ne sauraient plus être attribuées à l’influence des marécages du littoral. Monte-Bamboli est en effet éloigné de 25 kilomètres de l’étang de Torre-Mozza, et certaines localités aussi insalubres sont encore à une plus grande distance de la mer, par exemple dix et quinze lieues. Elles sont d’ailleurs garanties par des chaînes de montagnes des vents qui soufflent de cette direction. Il est donc probable que la malaria ne provient dans ce cas que des émanations de l’humus ; peut-être aussi l’état particulier de l’air entre-t-il pour quelque chose dans les maladies endémiques de ces pays boisés et toujours humides. Ainsi à Monte-Bamboli la vallée, fermée par de hautes montagnes, affecte une forme d’entonnoir ;