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présence des soffioni ou des fumerolles, comme on les appelle aussi. Sur les points où les vapeurs sont plus abondantes et sur ceux où elles sont exploitées, la forme du terrain affecte celle d’un cratère. En outre la roche est profondément modifiée par les dégagemens de vapeurs et de gaz ; elle se désagrège et tombe en poussière. On y retrouve de l’alun et des cristaux de soufre, utilisés dans les temps anciens, aujourd’hui négligés. Toute l’attention des industriels s’est concentrée sur l’acide borique, dont l’extraction est d’un très grand profit et le placement toujours assuré. Ce corps est mécaniquement entraîné par les gaz des soffioni, et se trouve mêlé à la vapeur d’eau qui s’y rencontre en très grande abondance. Parmi les autres gaz, il faut citer surtout l’hydrogène sulfuré, reconnaissable à son odeur d’œufs pourris. Il est remarquable que ce gaz n’exerce aucune influence délétère sur la santé des travailleurs. On s’en explique mieux l’action sur les vignobles avoisinans, qu’il a préservés de l’oïdium.

La découverte de l’acide borique dans les soffioni de Monte-Rotondo ne date que de la fin du siècle dernier. Jusqu’alors les fumerolles étaient citées comme un phénomène naturel des plus curieux, mais sans portée industrielle. Lucrèce, qui les mentionne, était loin de se douter de l’importance que ces fumées auraient un jour. Il fallait du reste la chimie moderne pour arriver à la découverte de la matière si utile qu’elles renferment. L’acide borique dut se trahir à l’analyse du pharmacien grand-ducal Hœffer par la propriété spécifique qu’il possède de colorer en vert la flamme de l’alcool. Cette découverte dans les soffioni de Toscane eut lieu en 1777, et c’est sur ceux de Monte-Rotondo qu’elle fut faite. Dès que la présence de cette substance fut constatée, on essaya de l’extraire en faisant passer les vapeurs à travers de l’eau où elles abandonnaient l’acide borique, qui entrait en dissolution. Les bassins construits à cet effet et nommés lagoni, petits lacs, étaient étages, et l’on opérait successivement de l’un à l’autre pour arriver à la concentration des eaux acides. Le célèbre naturaliste Mascagni, qui commença ces essais, eut l’idée de se servir de la chaleur naturelle des eaux chauffées par les fumerolles comme d’une espèce de bain-marie pour évaporer les lessives. Ses tentatives ne réussirent pas.

Vers 1816, un marchand français de Livourne, M. Larderel, eut l’idée de reprendre ces épreuves, et une société se forma. Trois fabriques furent montées, dont une à Monte-Rotondo. Comme les eaux chauffées par les fumerolles ne possédaient pas un pouvoir calorifique suffisant pour l’évaporation des lessives, on se servit de bois ; mais le combustible est cher en Toscane, et il fallut, vers 1827, renoncer à ces nouvelles tentatives. Les actionnaires étaient profondément découragés ; M. Larderel seul, faisant preuve d’une foi et d’une énergie peu communes, prit sur lui de mener cette affaire à