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chapeau de même matière. Muni de ma lampe, je suivis mon conducteur. La galerie est pourvue de marches, et une rampe règne sur toute sa longueur. Jamais, dans aucune des nombreuses mines que j’ai visitées, je n’ai retrouvé pareil luxe ; jamais non plus, il faut le dire, si beaux bénéfices n’ont été réalisés. Aussi a-t-on fait de Monte-Catini une sorte de mine à l’usage des gens du monde, et de même qu’on m’avait présenté un costume complet de mineur, on offre gracieusement aux dames une robe, un chapeau et des chaussures de circonstance.

Partout, dans les galeries et dans les chambres d’exploitation où m’accompagna M. Schneider, reluisait le précieux minerai. C’est la pyrite de cuivre, ayant l’éclat et l’aspect de l’or ; le cuivre panaché, dont les irisations jaunes, violettes et verdâtres imitent la couleur changeante des plumes du paon, d’où le nom de pavonazzo que lui donnent les Toscans ; c’est enfin le cuivre gris, ayant la couleur et le grain de l’acier, mais tendre jusqu’à se laisser couper au couteau, et dont la richesse atteint souvent 80 pour 100 de cuivre métallique. La nature ne s’est pas contentée de rassembler sur un même point tant de minerais différens ; elle les y a groupés en quantité si grande et si purs de toute gangue que les bénéfices annuels de l’exploitation dépassent aujourd’hui 1, 500, 000 francs, sans que l’on force l’extraction. La production mensuelle s’élève à 150 ou 200, 000 kilogrammes de minerai. La plus grande partie est envoyée en Angleterre, aux usines de Swansea, dans le pays de Galles. Ces vastes fonderies reçoivent devant leurs fourneaux, jour et nuit allumés, les produits des mines de cuivre du monde entier, et renvoient ensuite le métal aux différens pays de l’univers, en cela presque tous tributaires des Anglais, la France plus qu’aucun autre. Le minerai de teneur moyenne ou faible extrait de Monte-Catini est d’abord enrichi sur place au moyen de broyages et de lavages, puis envoyé à l’usine de Prato, située près du chemin de fer de Florence à Pistoie. Le cuivre obtenu est vendu en Toscane, surtout à Prato même, où l’on fabrique de temps immémorial la plus grande partie des ustensiles de cuivre employés en Italie : Prato est le Saint-Flour de la péninsule.

Je quittai Monte-Catini, non sans avoir inscrit mon nom sur le registre où, suivant la mode italienne, on fait signer les visiteurs qu’attire chaque jour la richesse devenue proverbiale de ces gîtes. Je me livrai ensuite corps et âme à mon voiturin, qui me promit de me porter à Pontedera avant le dernier départ du chemin de fer de Livourne. La route, triste et monotone au départ, s’embellit peu à peu, et la riante et fertile vallée de l’Era me rappela certains paysages de la Touraine : partout la verdure, bien qu’on ne fût encore que dans les premiers jours de janvier.