Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rie de la marine et celle de l’armée. La pièce qu’on mettait sous leurs yeux n’était pas seulement frettée, elle était encore rayée à six rayures au lieu des trois adoptées par la marine, et de plus elle était pourvue d’un appareil à chargement par la culasse. La discussion se trouvait par le fait engagée entre les deux armes ; depuis lors elle n’a pas cessé, et, selon toute vraisemblance, elle durera quelque temps encore. Nous n’en connaissons pas assez sûrement les détails pour essayer de les exposer au public, et les connussions-nous, il est probable que nous ne voudrions pas intervenir dans une matière aussi délicate. Mesurer leur part à des amours-propres de corps que nous devons respecter également, déclarer la supériorité du mérite de certains officiers sur celui de leurs camarades, ce serait une tâche que nous n’oserions pas entreprendre, lors même que nous pourrions croire à une compétence que nous ne possédons pas, lors même que nous aurions en main toutes les pièces qui nous manquent, et qu’il nous faudrait connaître avant d’essayer de prononcer dans un pareil procès. Ce qu’il importe surtout de savoir, c’est si la France a été bien et heureusement servie. Or nous croyons pouvoir affirmer qu’à cet égard nous n’avons rien à envier à aucun autre pays. Si nous ignorons les questions de détails et de personnes, si nous ne connaissons pas les procédés et les inventions qui ont été proposés et débattus, repoussés ou adoptés, il est cependant de certains résultats généraux qui ne sont plus des mystères, et que nous sommes heureux de constater. Ils peuvent se résumer ainsi : — La France possède une artillerie rayée qui est le produit de conceptions originales, de théories nouvelles qui font honneur au savoir et à l’esprit d’invention de ses officiers. — Cette artillerie, dans toutes les occasions qu’elle a eues déjà de se montrer, a donné des effets formidables contre l’ennemi, et elle a soutenu avec avantage tout essai de comparaison. — Cette artillerie peut s’employer dans tous les services de terre et de mer, de campagne ou de siège, sur les remparts ou dans les batteries des vaisseaux. — Cette artillerie, qu’elle soit de bronze ou de fer, de petit ou de gros calibre, a su se créer un matériel en transformant à son usage celui qui existait avant elle, et elle l’a fait dans des conditions si économiques que le budget ne s’en est pour ainsi dire pas ressenti, car le chapitre Matériel de l’artillerie n’a pas varié d’un chiffre appréciable depuis qu’il est question d’artillerie rayée, et c’est seulement l’année dernière qu’on a vu réclamer pour ce service un crédit extraordinaire de moins de li millions : encore n’est-il pas dit que l’artillerie rayée ait absorbé toute la somme.

Et si nous voulons nous circonscrire dans la question spéciale qui nous a conduit à ces considérations, si nous ne voulons examiner