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que la puissance de destruction de l’artillerie de marine sur les bâtimens cuirassés, nous pouvons établir que notre artillerie de mer n’est pas seulement rayée, mais que le problème du chargement des pièces par la culasse a été victorieusement résolu. De très nombreuses expériences ont été faites à cet égard, et elles ont toujours donné les résultats les plus satisfaisans. Jusque dans les pièces qu’on voulait ruiner et qu’on ruinait par un tir à outrance prolongé, ce n’est jamais l’appareil de culasse qui a cédé, même après des tirs de plus de deux mille coups. Nous pouvons dire enfin que déjà nos canons pénètrent les cuirasses de 12 centimètres d’épaisseur à la distance de 1,000 mètres. Ce n’est ni une espérance ni une probabilité ; c’est un fait acquis, consommé. Voilà les résultats que nous pouvons présenter à nos amis et à nos ennemis, si par hasard nous en avons, et lorsqu’on essaie de récapituler tous les progrès qui ont été successivement obtenus dans l’artillerie depuis cinq ou six ans, et comme en vertu d’une loi de développement régulier, on est en droit de conclure que nos officiers n’ont pas encore dit leur dernier mot. Il est certain qu’ils sont dans une voie de progrès continu.

En regard de ces travaux, qu’a-t-on fait en Angleterre ? Le canon rayé anglais, ou canon Armstrong, n’est pas, à proprement parler, une arme nouvelle. Si l’on cherche à se rendre compte de la construction de cette arme, on arrive bien vite à reconnaître que c’est tout simplement un effort fait pour transformer en canon l’ancienne carabine à balle forcée. C’est seulement dans les combinaisons inventées pour opérer cette transformation que sir William Armstrong a déployé la fertilité de ressources, l’esprit ingénieux et l’infatigable industrie qui le caractérisent. Quant au principe de l’arme elle-même, il l’a reçu tout fait.

Ce principe a d’abord entraîné comme conséquence nécessaire le chargement par la culasse de toutes les pièces indistinctement. La carabine, qui est exclusivement destinée à combattre les hommes et les animaux, peut se charger par la bouche, parce que, avec un petit lingot de métal mou comme le plomb, elle suffit à rendre le service qu’on lui demande. La baguette et au besoin le maillet, en écrasant la balle au fond de l’arme, la forcent sans trop de difficulté à se mouler d’elle-même dans les rayures. Il en est autrement pour le canon, qui, destiné surtout à contre-battre les batteries de l’adversaire, à ruiner les remparts des places fortes ou à traverser les murailles des vaisseaux, ne peut admettre comme projectiles efficaces que ceux qui sont composés de matières résistantes et non ductiles. Il n’y a pas moyen de forcer de pareils projectiles dans un canon en les introduisant par la bouche, et sir William Armstrong lui-même n’est encore parvenu à le faire qu’en les chargeant par la culasse et par le procédé suivant. On construit au fond de la pièce