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n’a pas toujours ce caractère ; ce qui est certain également, c’est qu’aux récits les moins édifians l’auteur manque rarement d’associer des réflexions morales dont le ton est d’une bonne foi parfaite, et n’offre plus rien de commun avec la gravité malicieuse et ironique de Boccace.

Un simple sommaire des dix premières nouvelles de l’Heptaméron suffira pour donner à ceux qui n’auraient pas lu ce recueil une idée du singulier mélange de légèreté et de moralité qui le distingue.

Le premier des devisans qui prend la parole est le gentil chevalier Simontault, lequel nous est présenté comme éprouvant une passion malheureuse pour Parlamente, l’une des dames réunies à l’abbaye de Sarrance et mariée à un autre des narrateurs nommé Hircan. Simontault, pour se venger des rigueurs de Parlamente, recherche toutes les occasions de dire du mal des femmes. Il raconte l’histoire de la femme d’un procureur d’Alençon qui menait de front une double intrigue avec l’évêque de Séez et avec le jeune fils du lieutenant-général au bailliage. Abandonnée par le jeune homme, elle se venge de lui en l’attirant chez elle et le faisant assassiner par son mari. La duchesse d’Alençon (c’est-à-dire Marguerite elle-même, qui parle par la bouche de Simontault) fait condamner le mari aux galères. « La mauvaise femme, en l’absence de son mari, dit le narrateur, continua son péché plus que jamais et finit misérablement. »

Le chevalier Simontault s’appuyant de cette nouvelle pour calomnier les femmes, la dame Oisille, qui doit parler après lui, proteste contre ses conclusions et oppose à l’exemple cité l’histoire d’une muletière d’Amboise qui aima mieux mourir de la main de son valet que de céder à ses désirs criminels, puis elle termine sa nouvelle par un petit sermon qui commence ainsi : « Voilà, mesdames, une histoire véritable qui doit bien augmenter le cœur à garder cette belle vertu de chasteté. Et nous qui sommes de bonne maison, devrions mourir de honte de sentir en notre cœur la mondanité pour laquelle éviter une pauvre muletière n’a point craint une si cruelle mort. Et telle s’estime femme de bien qui n’a pas encore su comme cette cy résister jusqu’au sang. »

La troisième nouvelle, racontée par le chevalier Saffredent, appartient au petit nombre de récits immoraux par le fond, sinon par les détails, qui figurent dans l’Heptaméron. Le roi de Naples Alphonse V ayant séduit la femme d’un gentilhomme de sa cour, celui-ci s’en plaint à la reine, qui consent à le venger de sa femme en se vengeant elle-même du roi son mari. Ce double adultère se continue tranquillement jusqu’à ce que, dit Saffredent, la vieillesse y mette ordre, et le narrateur, appliquant à des conclusions impertinentes les mêmes formes de langage que vient d’employer la dame Oisille, achève son récit en ces termes : « Voilà, mesdames, une histoire