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que volontiers je vous montrerai pour exemple, afin que quand vos maris vous donneront des cornes de chevreuil, vous leur en donniez de cerf. » Mais la dame Ennassuite, qui prend la parole après lui, s’empresse d’annoncer qu’elle va prouver que toutes les dames ne sont pas semblables à la reine de Naples et que tous les fols et hasardeurs ne viennent pas à leur fin, et elle raconte, en déguisant le nom de la reine de Navarre sous celui d’une princesse de Flandre, l’aventure très connue qui, suivant Brantôme, serait arrivée à Marguerite elle-même, lorsque cette princesse eut à défendre son honneur contre une tentative audacieuse de l’amiral Bonnivet. Dans cette histoire, Marguerite se peint au naturel et telle qu’elle devait être dans sa jeunesse, avec une gaîté aimable et même une nuance de coquetterie ; toutefois, ajoute-t-elle, sage et femme de bien. Le gentilhomme en question, c’est-à-dire Bonnivet, la voyant, dit-elle, femme joyeuse et qui riait volontiers, pensa qu’il essaierait pour voir si les propos d’une honnête amitié lui déplairaient, ce qu’il fit ; mais il trouva en elle réponse contraire à sa contenance, et combien que sa réponse fut telle qu’il appartenait à une princesse et vraie femme de bien, si est ce que, le voyant tant beau et honnête homme comme il était, elle lui pardonna aisément sa grande audace. Et montrait bien qu’elle ne prenait point déplaisir quand il parlait à elle, en lui disant souvent qu’il ne tînt plus de tels propos, ce qu’il lui promit, pour ne perdre l’aise et honneur qu’il avait de l’entretenir. »

On voit avec quelle ingénuité Marguerite nous montre comment le séduisant Bonnivet put se croire encouragé par sa douceur à devenir audacieux jusqu’à l’impudence, et il faut aussi que le triomphe définitif de la princesse soit bien incontestable pour expliquer son indulgence, quand elle apprécie plus loin les motifs de la témérité de Bonnivet et nous dit : « Il pensa que s’il la pouvait trouver en lieu à son avantage, elle qui était veuve, jeune et en bon. point et de fort bonne complexion, prendrait peut-être pitié de lui et d’elle ensemble. » Toutefois la conclusion morale de cette quatrième nouvelle sauve ce qu’elle offre d’un peu scabreux dans le détail et la controverse qui suit le récit, portant sur la question de savoir si la princesse a été sauvée par sa propre vertu ou par l’insuffisance d’audace de la part du séducteur.

Un des devisans, Geburon, entreprend de prouver par une cinquième nouvelle que tout le sens et la vertu des femmes ne sont pas au cœur et tête des princesses, et il raconte l’histoire d’une batelière qui, passant dans son bateau deux cordeliers et menacée par eux de violence, les trompe habilement en feignant de vouloir leur complaire, dépose chacun d’eux dans une île, et revient ensuite avec son mari et des magistrats qui s’emparent des deux coupables.

La sixième nouvelle, bien que racontée par une des dames, par