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M. von der Heydt et a porté M. de Bismarck à la présidence du conseil. Le gouvernement du roi de Prusse s’engage ainsi plus avant dans la voie réactionnaire. Le roi ne réalise pas les espérances que le prince-régent avait données. Après avoir débuté avec un ministère libéral, il choisit maintenant pour son principal conseiller et place à la tête de son cabinet le représentant le plus intelligent, il est vrai, mais le plus ardent et le plus remuant de la faction des hobereaux et du vieux parti de la croix. L’intérêt évident du gouvernement prussien étant de prendre en Allemagne la tête du mouvement libéral, on s’explique difficilement en Europe cette marche en arrière du roi de Prusse. L’ovation toute spontanée et marquée de cette sincérité pénétrante dont les manifestations d’un peuple libre portent seules le caractère, le véritable triomphe qui a l’autre jour accueilli le roi Léopold rentrant pour la première fois à Bruxelles depuis sa maladie, vient de montrer aux souverains comment s’acquiert la seule popularité qui ait du prix; l’exemple de la reine Victoria, à laquelle le roi de Prusse s’est allié en unissant son fils à la princesse Victoire, montre à ce prince quelles sont les conditions les plus sûres d’un règne vraiment prospère. Ni le roi Léopold ni la reine Victoria n’ont jamais opposé au sentiment de leur peuple, à l’opinion de leurs parlemens une résistance ombrageuse. On voit comment ils en ont été récompensés : la conduite la plus honnête et la plus intelligente a été aussi pour eux la plus avantageuse et la plus sûre. On ne s’explique pas, à côté de tels exemples, qu’un roi de Prusse, un souverain dont la vocation est d’être libéral, ne s’assouplisse pas avec une placidité confiante aux exigences naturelles du gouvernement parlementaire, et paraisse vouloir remonter laborieusement le courant du progrès, au lieu de s’y laisser porter doucement. Nous ne redoutons pas sans doute des conséquences graves du conflit parlementaire de Prusse ; mais quand nous observons les efforts intelligens, sincères, persévérans, qui se font à Vienne dans la voie du système représentatif, nous admirons par quelle étrange déviation la cour de Berlin s’expose à se faire battre en libéralisme par l’Autriche elle-même. Tous les symptômes de la vie politique en Allemagne indiquent une aspiration de plus en plus ferme à la constitution de la force nationale par la liberté. La réunion de Weimar, où l’on semble s’essayer à un parlement unitaire, révèle le développement croissant d’un grand parti libéral allemand. N’est-il pas extraordinaire que ce soit à Berlin, appelé à en recueillir le fruit, que le sens de ce mouvement demeure méconnu?


E. FORCADE.



LA QUESTION DES MONASTÈRES DANS LES PRINCIPAUTÉS-UNIES.

La question d’Orient est peut-être l’affaire la plus complexe de notre temps; il n’y a pas un point de vue, si élevé qu’il soit, d’où l’homme d’état puisse d’un seul regard en embrasser tout l’horizon. La question d’Orient a ses arcanes, et l’on n’aurait qu’une connaissance bien imparfaite des élé-