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REVUE. — CHRONIQUE.

ainsi dire, l’adorable cantilène de la Sonnambula de Bellini, — Il pia misero dei mortali, — on a la mesure de la puissance de la voix humaine et de l’art de chanter. Tels étaient les effets merveilleux que produisaient les sopranistes comme Guadagni et surtout comme Pacchiarotti. Si l’on pouvait dire tout ce que renferme de curieux la vie intime des sopranistes sur le sujet délicat que je ne puis qu’effleurer ici, on serait surpris de la vivacité des sentimens qu’ont éprouvés ces êtres singuliers. Salimbeni par exemple, qui fut un sopraniste célèbre, beau comme le jour et l’un des chanteurs favoris du grand Frédéric, est mort à la fleur de l’âge, en 1751, épuisé par les passions vives qu’il avait éprouvées. Quant à Marchesi, le rival de Pacchiarotti, lorsqu’il chantait à Vienne, toutes les femmes de la cour arrivaient au théâtre avec le portrait du virtuose suspendu au cou.

On a comparé le talent de Pacchiarotti (c’est lord Edgecumbe qui fait ce rapprochement) à celui de Mme Pasta, dont la voix sourde et médiocre était rachetée par tant de goût et un sentiment si juste et si profond des situations dramatiques. Eh bien ! qu’on se rappelle cette cantatrice portant sur sa belle tête le casque de Tancredi, s’avançant près de la rampe et, les bras croisés sur sa poitrine, chantant d’une voix pénétrante, qui se dilatait peu à peu, l’air printanier : Di tanti palpiti, — et on aura une intuition de l’effet que devait produire Pacchiarotti chantant l’air fameux de Piccinni :

Destrier che all’armi usato !


P. SCUDO.



A M. LE DIRECTEUR DE LA REVUE DES DEUX MONDES.


Monsieur,

Absent de Paris, je viens seulement d’apprendre qu’un rédacteur du Moniteur, M. Ernest Desjardins, a récemment publié sous ce titre : Du Patriotisme dans les Arts, une brochure où, à propos de mes observations sur la collection Campana, je suis personnellement attaqué avec un défaut de mesure qui m’engagerait au silence, si j’étais bien certain que mon silence ne fût imputé qu’au dédain. Vous avez peu d’espace à m’offrir dans votre numéro, déjà presque imprimé ; moi-même je n’ai que peu d’instans à ma disposition : c’en est assez pour la réponse qu’il me convient de faire. Autant j’aurais à cœur d’accepter une controverse loyale et éclairée sur ces questions qu’on supposait tranchées, et qui, dit-on, doivent renaître, autant je suis peu d’humeur à prendre au sérieux les attaques d’un homme qui ne s’est pas donné la peine de lire ce que j’ai dit, ou qui le comprend si mal qu’il me réfute même quand par hasard je suis de son avis, altérant mes paroles, m’accusant de mépris pour les choses que j’estime et que j’aime le plus, m’attribuant en un mot, selon sa fantaisie, les opinions en matière d’art les plus contraires à celles que j’ai toujours hautement professées.

Qu’ai-je donc fait à M. Desjardins ? Je l’ai ménagé de mon mieux. En parlant de cette Notice dont le zèle imprudent et l’enthousiasme sans réserve ont, selon moi, fait plus de tort au musée Napoléon III que ses détracteurs les plus sévères, je n’ai même pas dit quel en était l’auteur. J’ai fait plus :