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télégraphiques ne fussent jamais totalement interrompues par un seul accident. Les nombreux navires qui sillonnent la Mer du Nord sont, en raison du peu de profondeur des eaux, un danger constant pour les câbles; par compensation, le peu de profondeur rend le relèvement et les réparations prompts et faciles. Des câbles légers, pesant 1,200 kilogrammes par kilomètre, parurent bien appropriés à cet usage. Malheureusement l’armature en fils de fer s’oxyde très vite lorsqu’elle repose sur un fond de vase, quoiqu’elle se conserve bien sur un fond de sable. Elle se corrode également partout où l’eau est en mouvement, par exemple au lieu d’atterrissement par l’effet des marées. Quelquefois enfin les câbles étaient, sur la côte anglaise, enfouis dans le galet au point que l’on ne pouvait les relever, et d’autres fois mis à nu sur les rochers. En certains cas, rares cependant, ils étaient coupés par des ancres, tandis que des câbles forts auraient résisté. Bref, l’entretien de ces câbles, qui exigeait la présence continuelle d’un navire et la solde de son équipage, parut tellement onéreux que la compagnie jugea préférable de les remplacer en 185S par un câble unique, le plus lourd qui ait jamais été fabriqué; il est entouré par dix fils de fer de 9 millimètres 1/2 de diamètre et pèse 6,100 kilogrammes par kilomètre.

Toutes les entreprises dont nous venons de parler, quelques autres encore où il ne s’agissait que de traverser des bras de mer, ne sont que des essais de télégraphie sous-marine. Les ingénieurs reconnaissaient leurs forces et se croyaient déjà capables de franchir de plus longues distances; ils supposaient qu’il suffirait d’embarquer des longueurs de fil plus considérables, et ils soupçonnaient à peine les difficultés graves qui allaient se présenter.

Au mois de juin 1853, M. Brett obtenait des gouvernemens français et sarde, au nom de la compagnie du télégraphe de la Méditerranée, la concession d’une ligne télégraphique, tant sous-marine que terrestre, qui, partant de la pointe sud du golfe de la Spezzia, toucherait au cap Corse, traverserait l’île de Corse tout entière, franchirait le détroit de Bonifacio, passerait à travers la Sardaigne pour atteindre le cap Teulada, d’où elle partirait en ligne sous-marine pour aborder la côte d’Algérie, entre Bone et la frontière tunisienne, à un point désigné par le gouvernement français. Dans la pensée du concessionnaire, cette ligne était un tronçon de celle des Indes, et devait être prolongée par Tunis vers Alexandrie. Pour le moment, elle comprenait trois sections sous-marines, savoir : de la Spezzia au cap Corse, 176 kilomètres; à travers le détroit de Bonifacio, de 17 à 18 kilomètres, et du cap Teulada à Bone, 200 kilomètres. Les deux gouvernemens garantissaient un intérêt de 4 pour 100 sur un capital de 7 millions 1/2, et s’engageaient en outre à