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sobrement et clairement exposées, appuyées des indications et témoignages des hommes les plus sérieux et les plus compétens de la colonie, sont venues demander l’aide de la science aux illustrations de la mère patrie. Ainsi M. Maillard a eu le généreux plaisir d’offrir à notre Muséum, ainsi qu’à des personnages éminens dans la science, des collections et des spécimens précieux, rares, ou entièrement nouveaux en histoire naturelle, et en retour il a eu l’honneur de pouvoir joindre à sa publication une annexe de notes descriptives et classificatives signées Verreaux, Michelin, Guichenot, Milne-Edwards, Guénée, Deyrolle, H. Lucas, Signoret, de Sélys-Longchamps, Siebel, Bigot, Duchartre. L’illustre et respectable docteur Camille Montagne et son savant associé M. Millardet se sont chargés de décrire les algues et toute la cryptogamie. Aux travaux zélés et consciencieux de M. Maillard se rattache donc une suite de travaux extrêmement précieux et intéressans non-seulement pour l’étude de l’île de La Réunion, mais pour le progrès des sciences naturelles, auxquelles les recherches des voyageurs et des amateurs dévoués apportent chaque jour leur contingent éminemment utile. Celui de M..L. Maillard est considérable. Il a rapporté, en fait de zoologie et de botanique, les types d’une famille nouvelle (parmi les crustacés) de plusieurs genres, et de plus de cent cinquante espèces jusqu’ici non décrites[1]. Il a donc bien mérité de la science, et son ouvrage intéresse tous les adeptes.

Mais une autre utilité incontestable de cet ouvrage, c’est d’avoir signalé sans ménagement à l’attention du gouvernement et de la société tout entière la nécessité d’organiser sur des bases sévères et intelligentes le régime de la propriété et le système de l’exploitation territoriale dans notre colonie, aujourd’hui dévastée et menacée de ruine par suite du déboisement. Tout le monde lira avec intérêt les réflexions de M. Maillard sur les inconvéniens de la culture trop développée de la canne à sucre, sur l’abandon de la culture du café, du girofle et d’autres plantes utiles qui préservaient le sol en le retenant sur les pentes et en lui conservant l’humidité nécessaire. Le défrichement aveugle, qui est la conséquence du chacun pour soi, a fait disparaître entièrement les arbres magnifiques dont les essences précieuses couronnaient l’île et la protégeaient à la fois contre la sécheresse et contre les inondations. Quand les terribles cyclones dévastaient ces belles forêts, leurs débris imposans servaient encore longtemps de digues à la fureur des ouragan, et protégeaient les jeunes pousses destinées à remplacer les anciennes. Aujourd’hui rien n’entrave plus les déluges qui pèlent le sol et l’entraînent à la mer, tandis que dans les temps secs les sources, privées d’ombre, tarissent et que l’aridité se propage. Si la France ne daigne pas intervenir, ou si les colons ne se rendent pas aux plus simples calculs de la prévoyance, on peut prédire la ruine et l’abandon prochains de cette perle des mers que les anciens navigateurs saluèrent du nom d’Eden, et qui, épuisée et mutilée

  1. Ce chiffre sera peut-être dépassé. Le travail le plus important, la conchyliologie, n’étant pas encore terminé.