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par la main de l’homme, secouera son joug et rentrera dans le domaine de Dieu. C’est une leçon qu’il tient en réserve, en France aussi bien qu’ailleurs, pour les populations qui méconnaissent les lois de l’équilibre providentiel, et abusent de leurs droits sur la terre. À l’homme sans doute est dévolue la mission d’explorer et d’exploiter ; mais l’intelligence lui a été départie pour épargner à propos, prévoir l’avenir, et chercher dans la nature même le préservatif de son existence. Les forêts lui avaient été données comme réservoirs inépuisables de la fécondité du sol et comme remparts contre les crises atmosphériques. Il a violé tous les sanctuaires., Plus aveugle et plus ignorant que ses ancêtres, il a porté la hache jusqu’au plus épais de la forêt sacrée. En Amérique, il s’acharne avec fureur contre le monde primitif qui lui livre un sol admirablement nourri et préservé depuis les premiers âges de la végétation. L’œuvre de dévastation s’accomplit. Nous aurons du blé, du sucre et du coton jusqu’à ce que la terre fatiguée se révolte et jusqu’à ce que le climat nous refuse la vie.


GEORGE SAND.



DU CLASSEMENT DEFINITIF DE NOS ARCHIVES[1]

L’embarras est grand, au milieu de nos innombrables amas de documens historiques, pour qui veut rassembler sur un sujet particulier les papiers inédits. Il a rarement la bonne fortune qu’a obtenue M. Rousset, l’auteur de l’Histoire de Louvois, en rencontrant réunie dans le seul dépôt de la guerre toute la correspondance de son héros. Même en de si heureuses circonstances, que de travail encore au milieu d’un immense labyrinthe ! Le dépôt de la guerre, par exemple, ne contient pas moins de 3,997 volumes in-folio, dans lesquels sont traitées beaucoup d’autres matières que celles des affaires militaires du dedans ou du dehors. On y trouve beaucoup de papiers d’ambassades qui seraient mieux placés sans doute aux archives des affaires étrangères : par exemple, en une longue suite de volumes, les lettres de Servien (de 1631 à 1636), puis les dépêches de M. de Grémonville, ambassadeur à Venise, les négociations du traité des Pyrénées avec les lettres de Mazarin, etc.. La définition de ce qu’on appelle les vieilles archives en tête du catalogue manuscrit qu’on peut consulter dans le dépôt indique l’infinie diversité des sujets. Les vieilles archives comprennent, y est-il dit, « des lettres écrites ou reçues par les rois, les ministres, les généraux et autres officiers, par les intendans d’armées et de provinces, par les ambassadeurs plénipotentiaires ou commissaires près les puissances ou les congrès pour négociations de paix. Ces lettres ont une suite régulière depuis 1571 jusqu’en 1788 ; mais on trouve aussi des pièces antérieures, de 1035 à 1567… « Grâce au bizarre partage des attributions entre les différens ministères sous l’ancienne monarchie, on rencontre ici de nombreux documens sur l’administration

  1. Rapport concernant les Archives de l’empire, etc., in-8o, par M. F. Ravaisson, chez Durand, 1862.