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satisfaction à toutes les exigences de l’esprit moderne ; mais ce fut précisément pour cette raison que la couronne s’efforça de revenir sur ses concessions dans le travail de révision dont elle chargea les chambres durant les sessions législatives de l’année suivante. Dans ces deux années de 1849 et 1850, Frédéric-Guillaume IV donna au monde l’étrange spectacle d’un monarque octroyant deux constitutions, l’une pour la Prusse, l’autre pour l’Allemagne, et faisant combattre ensuite par ses propres ministres l’une et l’autre de ses œuvres au sein d’une chambre et d’un parlement convoqués pour ratifier le don royal, et qui ne demandaient qu’à l’accepter en bloc et sans bénéfice d’inventaire ! On sait comment la restauration du Bundestag vint enfin tirer le gouvernement prussien de l’embarras assez bouffon de faire la critique incessante de ses propres projets devant le parlement d’Erfurt, qui s’obstinait à les trouver excellens ; quant à la constitution octroyée à la Prusse, après avoir fait accepter aux chambres récalcitrantes plusieurs graves modifications dans un sens moins libéral, il fallut bien se décider à la promulguer solennellement. Dans la séance du 6 février 1850, Frédéric-Guillaume IV prêta le serment à la loi nouvelle, œuvre née, disait-il au milieu des révolutions, — « dans une année que la fidélité des générations futures voudra, les larmes aux yeux, mais en vain, effacer de l’histoire du pays. » Si cette manière d’envisager le statut et d’en désigner le cachet indélébile était déjà par elle-même assez significative, elle reçut encore un commentaire beaucoup plus inquiétant dans quelques autres paroles du discours qui faisaient dépendre l’existence de la constitution « de l’espoir des améliorations ultérieures, de la possibilité de gouverner avec elle. » Le souverain du reste déclarait ne lier par son serment que lui-même, et on remarqua l’absence à cette cérémonie du prince de Prusse, l’héritier présomptif (aujourd’hui roi), retenu qu’il était dans le sud de l’Allemagne par « d’importantes opérations militaires. »

Quelques jours après cette séance royale, les Stahl et les Gerlach déclaraient en pleine chambre que l’abolition de toute la nouvelle loi fondamentale par un ordre de cabinet présentait des difficultés légales bien moindres que tout essai d’abroger les charges féodales au moyen d’indemnités, — et ce trait suffit pour peindre le respect que portait aux récentes institutions un parti de jour en jour plus puissant à la cour. Deux grandes lois cependant, — l’une sur l’administration des communes, l’autre sur celle des cantons, des districts et des provinces,— présentées aux chambres et publiées le 11 mars 1850, semblaient consacrer une véritable révolution dans l’ordre social de la Prusse, le remanier en quelque sorte d’après les principes constitutionnels en supprimant dans l’organisation de la