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mon homme qui prenait sur la table sacrée les figues, les gâteaux, toutes les offrandes, et qui les mettait dans un grand sac pour les emporter.

MYRTO.

Est-ce là tout le miracle que tu as vu ?

CARION.

Non, car j’ai vu Esculape comme je vous vois ! Le sacrificateur venait d’éteindre toutes les lampes, lorsque le dieu de la santé, le père de tant de beaux enfans, le mien par conséquent, est arrivé du fond du sanctuaire, ; accompagné de ses deux prêtresses Jaso et Panacée.

MYRTO.

Comment les as-tu vus sans lumière ?

CARION.

Je n’en sais rien, mais j’ai remarqué qu’en passant près de moi, l’une de ces dames rougissait et que l’autre baissait les yeux. Esculape s’est approché de Plutus et lui a essuyé le visage avec un linge fin. Puis il a sifflé, pendant que Panacée couvrait d’un voile de pourpre la tête de Plutus. Alors deux serpens énormes sont accourus, ils se sont glissés sous le voile, ils ont léché délicatement les yeux du malade…

MYRTO.

Tu as vu cela malgré le voile ?

CARION.

Parfaitement. Et tout aussitôt Plutus s’est levé, voyant et saluant tout le monde. Nous avons couru tous l’embrasser, et le voici qui arrive avec votre père. Ils ne viennent pas vite, au milieu de la foule qui se presse autour d’eux ! Chacun veut toucher et caresser Plutus, les pauvres se réjouissent, les riches tremblent de perdre ses faveurs. Écoutez, voici les cris et les acclamations de triomphe, et, comme nous manquons de musiciens et de joueurs de flûte, vous allez entendre un vieillard que personne ne connaît, une espèce de rapsode qui passait et qui s’est joint à nous, lequel célèbre en très joli langage les louanges de Plutus et la joie des assistons.

MYRTO.

C’est donc comme sur le théâtre d’Athènes, où la mode est venue de ne plus faire chanter le chœur, mais de faire parler un acteur qui se mêle à la pièce ?

CARION.

Absolument. Écoutez, écoutez ! Le voilà ! les voilà tous ! Évaï ! Évaï ! (on crie derrière le théâtre : Évaï ! Évai !)


SCÈNE II.
CARION, MYRTO, CHRÉMYLE, PLUTUS, porté par les paysans sur un brancard de feuillage. Amis et voisins de Chrémyle avec leurs femmes et leurs enfans. MERCURE, déguisé en rapsode, avec une lyre, une barbe et un vieux sagum. — BACTUS entre d’un autre côté et se tient à l’écart.


MERCURE.

Honneur au plus beau des immortels ! honneur à Plutus, le plus chéri des