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sur les deux mondes aviserait bien mieux aux besoins mutuels, aux échanges avantageux, etc.

Les administrateurs des compagnies défuntes réclamèrent vivement ; mais quand on les pressa, qu’on leur demanda sérieusement s’ils étaient sûrs, dans l’état misérable où tout était tombé, de les ressusciter, ils dirent franchement : « Non. » Alors on passa outre. On adjugea à Law ces corps morts, et sa Compagnie d’Occident put s’appeler Compagnie des Indes, ayant dès lors à elle seule un monopole universel du commerce qui n’était plus, — le monopole (au fond) de rien.

D’autant plus merveilleux fut, au printemps de 1719, le retour de la confiance, la renaissance du crédit[1]. Les économies taciturnes et si cachées, qu’on faisait dans certaines classes austères et abstinentes, hasardent de se montrer. L’argent perd sa timidité. Il s’arrache des caves, des poches profondes. Des doublures on découd les monnaies d’un autre âge.

La France, tant de fois ruinée, avec étonnement voit l’argent rouler à la banque. Où a bâté de se défaire du vil métal et d’avoir du papier. Est-ce un songe ? Il faut croire qu’on s’est retrouvé riche ; car on achète, on vend, on fabrique. C’est de ce jour que l’art reprend au XVIIIe siècle et que l’industrie recommence. On se rend au miracle. Les douteurs s’humilient. Ils voient, ils touchent, ils confessent le symbole de cette religion merveilleuse et spiritualiste : « que la richesse, fille de l’opinion, est une création de la foi… »


J. MICHELET.

  1. On est ici au débat du système, par conséquent fort loin du dénoument, de la débâcle, dont nous aurons prochainement à nous occuper.