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II.

Deux saisons se partagent l’année au Sénégal comme dans tous les pays intertropicaux : l’hivernage et la saison sèche. L’hivernage, résultat du passage du soleil au zénith, commence au Sénégal vers la fin de juin et dure jusqu’en novembre. C’est la saison de ces tempêtes violentes connues sous le nom de tornades, des pluies torrentielles, des orages où l’électricité produit peut-être ses effets les plus splendides et les plus terribles. Un ciel de plomb, mais à travers lequel le soleil darde ses rayons les plus chauds, annonce que l’hivernage commence ; les grandes brises de nord-ouest, qui jusqu’alors avaient rafraîchi l’atmosphère, font place à des calmes plats ou à des brises irrégulières, mais soufflant généralement du sud. Parfois de violentes rafales, qu’aucune pluie n’accompagne, soulèvent le sable du désert et couvrent l’horizon d’un nuage rouge, véritable muraille mouvante qui brise tout sur son passage. À ces signes, les indigènes reconnaissent la plus ou moins grande force des pluies, la durée de l’hivernage, et surtout le degré d’élévation future des eaux du fleuve. Sans nul doute, les phénomènes qui se produisent sur le rivage de l’Océan sont liés à ceux dont les plateaux élevés du Fouta-Dialon sont le théâtre, et on n’ignore pas que le Sénégal et les grands fleuves de cette partie de l’Afrique prennent leur source dans ces plateaux. Les observations de plusieurs siècles ont dû servir à fixer les règles que les indigènes regardent comme infaillibles. Quoi qu’il en soit, dès le mois de juillet, la crue des eaux se fait sentir au passage de Mafou à quinze lieues au-dessus de Podor, à soixante lieues au-dessus de Saint-Louis. Les communications avec le haut pays deviennent possibles. De la fin de juillet au 15 août, les eaux ont atteint leur maximum dans le haut bassin, où, après quelques oscillations, elles commencent à décroître tout en montant encore dans les régions inférieures du Fouta et du Oualo ; à la fin de novembre, le fleuve a repris son lit ordinaire. Dès cette époque, qui marque la fin de l’hivernage, les vents d’est commencent à s’établir, soufflant parfois avec une violence suffocante, mais féconde ; de leur influence dépend en effet la plus ou moins grande abondance de la récolte des gommes. En quelques jours, leur action desséchante ne tarde pas à épuiser l’eau des plaines et de la plupart des marigots, et dans ces immenses solitudes inondées naguère et où nos bateaux à vapeur ont souvent navigué, pour reconnaître le pays, on chercherait vainement alors une goutte d’eau douce loin des bords du fleuve ou des puits creusés à grand’peine. La crue moyenne des eaux du fleuve varie à Bakel de 14 à 16 mètres, mais n’est guère à Saint-Louis que