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de 2 ou 3 mètres. Elle est pour les pays intermédiaires proportionnée à leur éloignement de ces deux points extrêmes.

Jetons maintenant un rapide coup d’œil sur le fleuve depuis son embouchure jusqu’à Médine, point extrême de la navigation européenne. Malgré l’uniformité plus apparente que réelle des paysages qui se succèdent à mesure qu’on s’éloigne des bords de l’Océan, quelques traits généraux peuvent faire comprendre la nature particulière, le caractère distinctif de chaque grande zone du bassin du Sénégal.

Quand on arrive d’Europe et qu’on a franchi la barre, un sentiment de profonde tristesse vous envahit à la vue du paysage désolé qui se déroule aux regards. Une langue de terre étroite, resserrée entre le fleuve et la mer, dont les vagues, sans cesse agitées, déferlent sur le rivage avec un bruit menaçant, forme la rive droite du fleuve. Par un souvenir du grand désert, dont elle est d’ailleurs la pointe extrême au sud, elle porte le nom de terre de Barbarie, et tout justifie ce nom. Des dunes de sable amoncelé que le vent déplace, et qui chaque jour changent de forme et de hauteur, où nulle végétation n’est possible, se succèdent sans interruption. Le soleil des tropiques y rayonne d’un éclat insupportable. Des myriades de goélands, de mouettes, d’oiseaux aquatiques, animent seuls cette morne solitude de leur vol rapide et de leurs cris sinistres, en harmonie avec le bruit des flots, qu’ils dominent souvent. Sur la rive gauche, le paysage n’est ni moins triste ni moins désolé. Ce sont d’immenses marécages de vase noire, aux émanations pestilentielles, que séparent de loin en loin des bouquets de mangliers nains au feuillage métallique. Quelques baobabs dépouillés de leurs feuilles, quelques palmiers plus clair-semés encore, rompent par instans la monotonie de l’horizon ; mais, courbés par les vents de la mer, dont les eaux attaquent leurs racines, ils augmentent plutôt qu’ils ne diminuent, par leur végétation maladive et rabougrie, la tristesse du paysage. Les premières murailles qui apparaissent sur cette rive sont celles du cimetière européen. Ce nom, prononcé par un matelot insouciant, semble un sinistre présage et augmente encore l’impression que la vue du pays jette à l’âme la mieux trempée. Cependant cette impression ne tarde pas à s’affaiblir. Bientôt apparaissent les hautes constructions de Saint-Louis, confondues dans le rideau de brume qui, même par les plus belles journées, estompe l’horizon. À mesure qu’on approche de cet amas de maisons uniformes au premier aspect, se dégagent peu à peu les détails d’un spectacle réellement plein de vie et d’originalité.

Saint-Louis est bâti sur une île de la rive droite du fleuve. Cette île, basse, sablonneuse, d’un mille et demi de long, n’a guère que 500 mètres de large. Un pont jeté sur le fleuve, vers la langue de