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erreur de croire que, parce que la terre est moins divisée en Angleterre qu’ailleurs, il en est de même pour la richesse. Depuis un mois, la plus grande partie des souscriptions est fournie par les quêtes recueillies dans les églises de tous les cultes, dans les ateliers de toutes les manufactures d’Angleterre, par des comités formés dans les moindres villes, parmi les ouvriers agricoles, d’ordinaire beaucoup moins aisés que ceux du Lancashire, mais qui se sont émus au récit des souffrances de leurs concitoyens. Des quêteurs de bonne volonté vont frapper de porte en porte et envoient le résultat de leur journée sous le nom de house to house collection; les troncs placés dans toutes les stations de chemins de fer recueillent le penny du voyageur, et tout ce que l’esprit d’association est capable d’inventer est mis au service des distressed operatives. Enfin, pour les Anglais dispersés dans le monde entier, séparés de leur pays et de sa vie politique, envoyer une souscription, c’est faire acte de nationalité et de patriotisme, et tandis que les colonies resserraient, par l’envoi d’un million, leurs liens avec la mère patrie, les plus petites communautés anglaises se rappelaient à son souvenir par des dons proportionnés à leurs ressources.

Les dons en nature sont fort à la mode. Rien n’est plus curieux que les magasins où viennent s’entasser les habillemens et les vivres adressés au comité et que les compagnies de chemin de fer transportent gratuitement. Tous les jours arrivent des ballots de vêtemens, de chaussures, de couvertures et d’étoffes diverses. On les classe, on en forme des paquets contenant un certain nombre de hardes de chaque espèce, et on les expédie aux comités locaux, qui les distribuent de leur mieux. Les toiles, les draps, etc., sont envoyés aux écoles de couture. Parmi ces effets, presque tous vieux et usés, il s’en trouve dont l’envoi ne fait pas honneur au jugement des donataires et place dans de grands embarras le comité, désireux d’employer au profit des pauvres toutes les contributions, quelque étrange qu’en soit la forme. On dépose ces dons bizarres dans un coin du magasin, en attendant l’occasion peu probable d’en trouver l’emploi. Là, sous une défroque digne d’exciter l’envie du premier fripier de Londres, sous de vieilles livrées, sous des fourrures dépourvues de poil ou des costumes de bal masqué, on trouve parfois un gown ou robe de ministre anglican, des centaines de chapeaux noirs défoncés, des sacs de tapisserie et jusqu’à une lanterne magique.

Le garde-manger n’est pas moins bien fourni que la garde-robe du comité. Le lard et les pommes de terre, qui sont une forme très usitée de contribution, sont distribués directement aux cuisines des établissemens de bienfaisance. La bonne économie oblige de vendre