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de faire succéder l’an 1000 au XIXe siècle. Ils comprennent que les peuples ne renonceront pas à des droits déjà conquis, et ils admettent que l’église doit renoncer à une hostilité inutile et périlleuse pour se réconcilier avec la liberté, ou bien se résigner à un abandon croissant. Abordant après eux la même question, M. Guizot, quoique placé à un point de vue différent, portait un jugement semblable. On est frappé de cette rencontre toute fortuite d’esprits éminens partis de principes très contraires et marchant vers des conclusions souvent opposées : elle prouve manifestement que les signes de la situation religieuse sont assez évidens pour qu’ils se présentent de la même façon à celui qui les observe, dès qu’il s’élève à une certaine hauteur au-dessus de la mêlée des partis hostiles et des contestations journalières.


III.

On vient de le voir, en étudiant la situation de l’église, ses enfans les plus éclairés, ses amis les plus sincères, arrivent, malgré les différences profondes d’opinions qui les séparent, à prononcer le même mot : réforme. Malheureusement ce mot prestigieux, répété si souvent et avec tant d’éloquence par saint Bernard, adopté comme un mot d’ordre par plusieurs conciles fameux, a toujours été repoussé par les chefs de l’orthodoxie, et jamais il ne leur a inspiré plus de répulsion que de nos jours. Dans les circonstances actuelles, aucune réforme n’a chance d’être accueillie par eux; mais un grand changement introduit dans les conditions d’existence extérieure de l’église ne ferait-il pas naître d’autres sentimens? Une forte secousse, un ébranlement violent, amenés par les événemens politiques, ne pourraient-il pas avoir pour résultat de faire revivre au sein de l’église les libertés ecclésiastiques et de la réconcilier avec les libertés de la société laïque? Les espérances des réformateurs catholiques qui s’attendent à voir la papauté, dégagée de tout intérêt temporel, se placer à la tête des peuples et les faire avancer désormais d’un pas plus ferme dans la carrière du progrès, ont-elles quelque fondement sérieux? Faut-il croire avec eux que le catholicisme sortira de la crise présente rajeuni, retrempé dans les épreuves, et prêt à commencer une évolution nouvelle plus brillante, plus active, plus victorieuse encore que celles du passé?

Certes, si un mouvement de réforme dans le sens de celui qui parait agiter en ce moment une partie du clergé italien pouvait réussir, il est hors de doute que la suppression du pouvoir temporel du pape en offrirait la meilleure occasion. Les fauteurs des idées ultramontaines prétendent que ce sont les incrédules, les protestans,