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l’Angleterre, tous les ennemis du catholicisme, qui veulent enlever la royauté au pape pour ruiner le culte dont il est le chef. Comment ne comprennent-ils pas que ce serait de la part de ces derniers un bien faux calcul? Tous ceux qui désirent voir diminuer l’influence de l’église, s’ils n’avaient pas égard à l’intérêt italien et à la justice, devraient souhaiter au contraire que l’agonie du pouvoir temporel se prolongeât, car il n’y a pas de plus sûr moyen de soulever les peuples contre l’autorité spirituelle. Au contraire, si jamais la papauté devait reconquérir son prestige et son influence, ce serait le jour où, repoussant du pied cet informe débris du moyen âge auquel elle s’attache avec un si triste acharnement, elle rentrerait dans la carrière apostolique complètement affranchie des soucis terrestres d’une royauté expirante.

Supposons donc que les vœux éclairés des réformateurs catholiques soient accomplis et que le pouvoir temporel des papes ait cessé d’exister. Alors, disent les uns, un schisme est inévitable, car le saint-siège, dépouillé de son indépendance, cessera de pouvoir commander l’obéissance à tous les fidèles; on le croira dans la main du souverain sur le territoire duquel il résidera; on ne le considérera plus que comme le chef d’une église nationale, et toutes, hors celle-là, se soulèveront contre sa suprématie. — Non, disent les autres, l’abolition du pouvoir temporel, c’est le retour aux plus beaux temps du christianisme, c’est la consécration de la liberté de l’église et de sa séparation d’avec l’état, c’est le signal de sa réconciliation avec la civilisation moderne, le commencement d’une nouvelle ère de grandeur et de conquêtes. Quant à nous, nous ne croyons pas que l’avenir confirme ni ces craintes ni ces espérances. Un schisme nouveau embrassant tout un pays paraît peu probable de nos jours : nous ne sommes plus à l’époque des divorces pour incompatibilité en fait de dogme ou de discipline. C’est au clergé de décider s’il a lieu de se réjouir des causes qui le mettent à l’abri de ce danger. Quant aux espérances de réformes, nous allons indiquer quelques-uns des obstacles qui ne permettent pas de les partager.

Les vœux des réformateurs catholiques peuvent se ramener à trois ordres d’idées principales : en fait de culte, abolir les pratiques trop multipliées et revenir à la simplicité de l’âge apostolique; en fait de dogme, n’en point admettre de nouveaux et s’en tenir invariablement à la maxime de Bossuet ; « hier on croyait ainsi, donc encore aujourd’hui il faut croire de même; » en fait de discipline et d’organisation, remplacer la centralisation et l’absolutisme par l’élection et la liberté, et avant tout accomplir la séparation de l’église et de l’état, ce qui revient au mot d’ordre donné à l’Italie : « l’église libre dans l’état libre. » Voilà à peu près les traits dominans du pro-