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pation de territoire où la population est très rare et le climat contraire à la race européenne. Quelquefois, ainsi que cela a eu lieu dans l’Inde, l’installation de factoreries a été un acheminement vers la conquête ; ailleurs on n’y a eu recours que pour créer et concentrer le mouvement des échanges sur les points les plus favorables de certains pays trop vastes pour être attaqués par les armes ou habités par des populations trop rebelles au contact des étrangers pour se prêter à des relations générales et régulières : c’est ce qui s’est pratiqué longtemps et se pratique encore dans quelques villes du littoral de la Chine et au Japon. Ces factoreries ont éprouvé les fortunes les plus diverses ; quelques-unes sont demeurées florissantes. Ce sont des créations de l’instinct commercial ; il n’y a point là de travail colonisateur.

Nous arrivons enfin à ces vastes espaces de terre où la race européenne, depuis la fin du XVe siècle, date de la découverte de l’Amérique et du passage du cap de Bonne-Espérance, a transporté ses émigrans, ses capitaux, son gouvernement, sa langue, son génie. Voilà le véritable terrain colonial, défriché par le travail des générations qui nous ont précédés, et cultivé avec plus ou moins de succès par les différentes métropoles. L’Amérique tout entière, l’Inde, les archipels de la Malaisie, l’Australie, les deux extrémités nord et sud de l’Afrique, tels sont les points que la civilisation de l’Europe a successivement visités et envahis, tantôt par la force des armes, tantôt par l’expansion pacifique de l’agriculture et du commerce, quelquefois aussi au moyen de la propagande religieuse. Tous les procédés ont été employés à ce grand travail par lequel la race blanche accomplit ses destinées. Ici l’Européen n’a eu que la peine de débarquer sur une terre déserte qui semblait l’attendre depuis des siècles, et qui lui offrait les faciles prémices de sa fécondité. Là il a rencontré des populations qui, au premier signe, l’ont reconnu pour maître et lui ont livré leur territoire presque sans combat. Ailleurs il a eu à lutter contre des races vigoureuses qui lui ont disputé leur indépendance et leur sol. Ces trois actes, la simple occupation, l’invasion pacifique, la conquête, exigent des moyens très différens. Dans le premier cas, il faut tout créer, tout apporter de la métropole ; dans le second, on peut mettre à profit et discipliner des forces existantes ; dans le troisième, l’œuvre coloniale est précédée d’une œuvre de destruction !. C’est évidemment cette dernière condition qui présente le plus de difficultés et de lenteurs. Un sol déjà peuplé et cultivé devrait, à ce qu’il semble, être plus favorable pour la colonisation que ne l’est une terre déserte, car il possède la main-d’œuvre. Cependant il n’en a pas été ainsi. C’est dans les régions où l’Européen s’est vu livré à ses seules ressources, où il a travaillé seul, c’est par exemple dans les anciennes colonies de